usqu’ici, il était admis que laisser les bois de taille dans les vignes n’avait pas d’incidence sur l’esca. Mais en janvier 2021, lors d’une présentation à Bordeaux des dernières avancées sur les dépérissements de la vigne, Emma Fulchin, de la cellule de transfert Vitinnov, a semé le doute. Elle a indiqué avoir observé un effet bénéfique du retrait des bois de taille en 2019 et 2020 dans le cadre de l’Observatoire des maladies du bois en Nouvelle-Aquitaine. En 2020, le taux d’esca moyen dans les parcelles où les bois de taille sont broyés ou laissés sur place atteint 3,2 %, alors qu’il se situe à 1,6 % dans les parcelles où ils ont été retirés. Ces chiffres qui confirment la tendance déjà observée en 2019.
Face à ces constats, l’auteure reste très prudente. « Il ne s’agit pas d’une étude expérimentale, mais simplement d’une observation réalisée sur un échantillon réduit de parcelles. En 2020, le réseau de surveillance a couvert 188 parcelles, réparties sur les 5 cépages principaux du Bordelais (merlot, cabernet franc, cabernet sauvignon, sauvignon blanc, Sémillon) et sur 3 classes d’âge pour chaque cépage (moins de 15 ans, 15 à 30 ans, supérieur à 30 ans). Les bois ont été retirés dans 28 parcelles seulement sur les 188. C’est donc une observation qu’il convient de suivre sur plusieurs années et sur un échantillon plus large », nuance-t-elle.
Philippe Larignon, spécialiste des maladies du bois à l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV), l’inoculum de l’esca que l’on retrouve sur les bois de taille ne pèse pas lourd par rapport à celui qui se développe sur les plaies de taille. « Jusqu’ici, aucune observation n’a permis de conclure à un effet possible des bois de taille sur l’esca. Les débris de taille peuvent favoriser l’esca sur les plaies de taille situées sur le tronc, du fait de leur proximité avec elles. Lorsqu’on recèpe beaucoup, mieux vaut les enlever », recommande-t-il.
Conseillère à la Sicavac, Marie Thibault n’a pas fait de comptages, mais elle ne constate pas plus d’esca dans les parcelles où les sarments sont broyés que dans celles où ils sont retirés. « A la lumière de ce qu’on sait sur cette maladie, j’ai été étonnée par cette information. Nous préconisons le broyage des sarments, car cela apporte une matière organique très stable, qui n’est pas directement utilisable par la vigne, mais qui contribue à l’amélioration de la structure des sols et qui active la vie du sol ».
Même réaction de Michel Badier, chargé de mission à la chambre d’agriculture du Loir-et-Cher. « Retirer les sarments c’est se priver d’environ 600 kg d’humus par ha et par an, c’est-à-dire la moitié des pertes par minéralisation. Nos sols viticoles ont besoin de cette matière organique pour capter l’eau et offrir à la vigne une meilleure résistance à la sécheresse. Même s’il y a une petite recrudescence d’esca, n’est-ce pas acceptable compte tenu de l’intérêt agronomique de la restitution des sarments au sol ? Tirons parti de cette ressource plutôt que de ramener de la matière organique exogène ».