epuis le 2 juillet, la filière champagne est vent debout contre l’amendement d’une loi russe, adoptée par le président Vladimir Poutine, obligeant les producteurs champenois à renoncer à mentionner « champanskoïe » (traduction en cyrillique du mot champagne) sur leurs contre-étiquettes, se contentant de la simple mention « vin mousseux ». Une nouvelle qui avait l’effet d’un séisme au sein de la filière champenoise, poussant l’interprofession à geler temporairement les expéditions en Russie, le temps des négociations. Les soutiens ont été nombreux, du sommet de l’état jusqu’à Bruxelles, poussant les eurodéputées de la majorité Irène Tolleret (vice-présidente de l’intergroupe vin) et Marie-Pierre Vedrenne (vice-présidente du comité sur le commerce international) à alerter par le biais d’une lettre la Commission Européenne, appelant alors à « une action urgente ».
De cette urgence, il est question aussi ce vendredi, avec le déplacement des ministres Julien Denormandie (Agriculture) et Franck Riester (Commerce Extérieur) venus à Epernay, à la rencontre de la filière champenoise. Après un premier temps d’échange auprès des instances champenoises, ils se sont rendus à Épernay pour visiter la maison Pol Roger et réaffirmer leur détermination à protéger l’appellation Champagne. « Nous souhaitions exprimer le soutien du gouvernement envers les producteurs champenois. Le Champagne est français et cela vient de la Champagne » déclare Julien Denormandie.
Si les ministres affirment avoir tracé une feuille de route afin de mener les actions diplomatiques nécessaires, l’heure est encore à l’étude du texte et de ses subtilités juridiques, un texte long et dense écrit en cyrillique. Nul ne sait encore le temps que ça prendra, peut-être des semaines ou des mois. En attendant, les discussions s’amorçent au sein de la Commission de l’Union Européenne, qui sera en charge de la résolution de ce litige commercial sur la scène politique internationale. Franck Riester rappelant que : « la voie de la négociation est la meilleure voie possible, tout en restant ferme. »
David Châtillon, directeur général de l’Union des Maisons de Champagne (UMC) a fait part d’une possible main tendue des autorités russes affirmant que « l’amendement de cette loi ne vise pas à pénaliser les champenois », et que « les autorités russes sont prêtes à négocier ». Une solution à court terme permettrait de poser un moratoire, le temps des négociations pour reprendre les expéditions au plus vite.


Si la filière champenoise a appelé à ne plus expédier de bouteilles sur le marché russe par la voie d’un communiqué de réponse à cette nouvelle réglementation russe, l’objectif n’est pas de se priver d’un marché « important ». « Nous n’avons aucune ambition de boycotter le marché russe, les Russes sont les amis du champagne » affirme Maxime Toubart, le président du Syndicat Général des Vignerons de la Champagne (SGV).
Un changement de ton qui tranche avec une prise de position plus martiale, lorsque l’existence de cette loi était découverte. Mais cette amendement témoigne égaleemnt d’une reconnaissance de l’AOC même en Russie. « Nous avons reçu des soutiens massifs de la part des consommateurs russes, premier relais de la protection de l’appellation dans ce pays » continue Maxime Toubart.
In fine, l’enjeu majeur de cette négociation est véritablement la protection de l’appellation champagne en Russie, laquelle ne fait pas partie des 120 pays à la protéger, après 20 ans d’âpres discussions qui n’ont pour le moment jamais vraiment abouties.
Paradoxalement, ce que l’on pourrait qualifier « d’usurpation » de l’appellation Champagne intervient au moment où s’exprime une volonté de développer les indications géographiques et vins de terroir en Russie, boosté suite à l'intégration de la Crimée au sein de la Fédération de Russie.
Pour rappel, la Russie est le quinzième marché à l’export pour le champagne, représentant 1,8 millions de bouteilles sur les 150 millions vendues dans le monde chaque année sur le marché international.