Jean-Guillaume Prats : Le sujet n’est pas, me semble-t-il, le pourcentage d’augmentation du prix. Ce qui importe, c’est le cours des millésimes disponibles [à l’achat]. Le consommateur a deux options aujourd’hui, soit il achète un vin en boutique pour le boire le soir-même, soit il investit en primeur pour le réserver pendant dix ans et une occasion spéciale. Mais pour qu’il y ait achat en primeur, il faut qu’il y ait un intérêt de prix. C’est ce que nous avons fait. Le 2020 est à un prix inférieur à tous les millésimes antérieurs disponibles.
En faisant le choix de relever le prix du millésime 2020, vous pariez sur la tonicité de la demande dans un scénario de reprise mondiale.
Le premier point, c’est que le vin est très bon, comme 2019 et 2018, ce qui répond à 90 % du problème. Bordeaux sait tenir compte des contextes politiques et économiques, comme cela a été fait l’an passé. Cette année, la situation s’améliore. Nous allons voir ce que la campagne nous réserve, il reste encore de nombreuses étiquettes à sortir.
Nos prix restent chers, mais ils sont logiques [par rapport au marché]. Factuellement, Lafite-Rothschild est aujourd’hui offert 510 € par le négoce, ce qui est plus cher que le prix recommandé par la propriété. Comme pour les Carruades de Lafite à 240 € et l’Évangile à 200 €. On ne peut que se réjouir de cette réaction sur le marché.
L’intégralité des volumes que nous souhaitions mettre en vente est sorti en une fois. Tout a été vendu et confirmé. Tout Lafite 2020 a été vendu en moins d’une heure. Comme l’an dernier. Les amateurs de Bordeaux sont là. Ils s’intéressent à Bordeaux quand les prix sont cohérents et logiques. La demande est mondiale, avec une demande française en hause depuis deux à trois ans.
Avec son effort sur les prix, il semble que la campagne des primeurs 2019 ait relancé l’attrait pour un système commercial qui semblait essoufflé depuis que le critique Robert Parker n’était plus là pour l’animer.
Cela redonne du pouvoir de prescription aux professionnels de Bordeaux, les courtiers et négociants qui peuvent donner leurs avis sur le style du millésime à leurs distributeurs, qui les transmettront à leurs acheteurs. Nous l’avons vu l’an dernier, quand beaucoup de journalistes n’avaient pas pu déguster en primeur.
Comment décririez-vous ce millésime 2020 ?
Il donne l’impression dans nos propriétés bordelaises de revenir aux grands millésimes des années 1980. Par son équilibre et sa fraîcheur, mais avec plus de précision et de modernité.
En termes de tendances, il se dit que le château Lafite-Rothschild envisage de se convertir à la bio…
C’est le cas de l’ensemble de nos domaines français. C’est logique, comme tout le monde qui y viendra. Le château l’Évangile est en bio, nous prenons le temps pour Lafite et nous aviserons.