u nom de l’ensemble de la filière des vins européens, « nous vivons un moment difficile » pose Francisco Aroyo, le secrétaire général de l’Assemblée des Régions Européennes Viticoles (AREV), ce 3 mai en ouverture d’un séminaire dédié à la Politique Agricole Commune (PAC). Face au cumul des coups du sort (de la pandémie de covid-19 aux dernières gelées printanières), l’AREV demande des à la Commission Européenne des ressources exceptionnelles pour soutenir le vignoble : « la viabilité du secteur dépend de ces aides » appuie Francisco Aroyo.
Un appel à l’aide qui continue de laisser de marbre Bruxelles. « La question, est : où est-ce que vous estimez que la Commission peut trouver de l’argent dans le budget ? C’est clair, il n’existe tout simplement pas » réplique Jao Onofre, le chef d’unité vin de la Commission Européenne. Soulignant que les premières estimations de dégâts remontant de France, d’Italie et d’Europe de l’Est nécessiteraient approximativement 5 milliards d’euros, Jao Onofre souligne qu’il faudrait couper de 15 % les autres paiements directs. « C’est un choix politique. S’il n’y a plus d’argent sur le vin, il faut retirer de l’argent ailleurs… » souligne le fonctionnaire européen.


« Aujourd’hui, nous avons un problème avec la Commission. Nous nous sentons orphelins d’un commissaire à l’Agriculture. Jamais sa voix ne nous a paru aussi faible, éteinte » soupire Thierry Coste, l’ancien président groupe vin Copa Cogeca. Témoignant d’une gravité palpable sur le terrain, le vigneron languedocien appelle la Commission Européenne à se déplacer dans le vignoble pour ressentir la réalité de la situation rapportée. « Cette hausse de fréquence et de violence d’évènements climatiques, qui vient en plus de la covid, des taxes Trump et de l’insécurité surréaliste du Brexit, ça fait que moi j’ai vu de grands gaillards pleurer » rapporte l’eurodéputée Irène Tolleret. Travaillant depuis 30 ans dans la filière, la coprésidente intergroupe vin du parlement européen souligne que « c’est la première fois que première fois que je vois des présidents de caves coopératives qui me disent qu’il va y avoir des suicides et qui ne savent pas comment installer des jeunes. »
« Le secteur demande un financement extraordinaire. Nous savons bien sûr qu’il y a beaucoup de contraintes sur le budget européen. Mais il existe des fonds extraordinaires et des fonds alloués pour la relance européenne » renchérit Angel Villa Franca, le directeur viticole de la fédération européenne des coopératives agroalimentaires.
Malgré ces appels à l’aide, Jao Onofre reste « optimiste. Je suis sûr que le secteur vin va, comme toujours, sortir de cette crise. C’est évident que ces deux dernières années n’ont pas été glorieuses, mais n’oubliez pas qu’avant nous avons eu dix années d’une croissance absolument exceptionnelle. Une fois que l’économie va rouvrir avec le programme de vaccination qui prend de l’ampleur dans toute l’Europe, on peut équilibrer une situation qui était franchement difficile. »
« Rien n’est écrit pour l’avenir. Le secteur traverse une période difficile » réplique Thierry Coste, qui rappelle que « la viticulture aurait pu disparaître complétement de la planète à la fin XIXème siècle, c’était la crise du phylloxera. Ça a été un coup de chance qu’une liane pousse en Floride. Si on n’avait pas eu ça, le vin aurait disparu et aurait fait partie de l’Histoire, comme le dodo. » Pour le vigneron languedocien, la balle de tennis est sur le filet : elle peut tomber d’un côté et permettre de remporter le match, ou tomber de l’autre et causer l’élimination. « La clé du succès appartient aux décideurs » conclut Thierry Coste.
Reconnaissant que « les gels en France, en Italie, et certains pays Europe de l’Est montrent clairement que la situation risque de devenir compliqué pour certains viticulteurs pendant cette campagne », Jao Onofre estime que « les instruments de gestion du risque dans le secteur sont là, mais ne sont pas utilisés. Il est évident, notamment en France, que le programme vin ne dépense pas ni pour les fonds mutuels, ni pour l’assurance récolte. Evidemment, la France a choisi de mettre ses moyens sur les investissements, sur la restructuration, sur la promotion, au lieu de le mettre sur la prévention des risques climatiques qui vont devenir de plus en plus pérennes. »
« Aujourd’hui, la taille des évènements climatiques vont au-delà du cadre intervention des outils actuels, comme le régime des minimis » rétorque Irène Tolleret. Pour l’eurodéputée, le système assurantiel doit être revu et la recherche doit être appuyée pour proposer de nouveaux cépages adaptés au changement climatique (qu’il s’agisse du gel ou de la sécheresse). « Nous allons avoir des épisodes climatiques plus violents, plus fréquents et plus vastes » prévient Irène Tolleret, pour qui « il faut explorer les nouvelles techniques comme l’édition génétique, pour la mise en marché de variété résistantes plus rapide. L’autorisation des hybrides prévues dans l’Organisation Commune de Marché (OCM) est nécessaire pour introduire tout de suite des cépages plus résistants ».