D’environnement à équité

L’univers des vins fins n’échappe pas à un monde qui bouge

 En tant que négociant bordelais spécialisé dans la distribution des vins fins, notre objectif en réalisant ce projet de collaboration était de renouer les liens avec nos consommateurs finaux », explique, en préambule, Philippe Leveau, directeur général de Mestrezat Grands Crus. « Plus que jamais, nous devons nous rapprocher d’eux et adapter notre offre et nos services aux nouvelles habitudes d’achat ». Lancée en 2020 et diffusée début avril 2021, l’étude – « The Future of Fine Wine Consumers 2021 » - propose un portrait qualitatif des consommateurs et des marchés des vins fins, avec un focus quantitatif sur les Etats-Unis, le Royaume-Uni, Hong Kong et la Chine mené par Wine Intelligence. A la question des qualités recherchées par les consommateurs de vins fins, les réponses sont assez prévisibles : capacité de garde et bonification avec l’âge ; identification et évaluation des vins par des critiques qui continuent de jouer un rôle essentiel ; concours d’intermédiaires tels les cavistes ; et potentiel en termes d’investissement. En revanche, le développement durable semble importer relativement peu, et l’importance des qualités sensorielles varie selon les marchés. Le profil des acheteurs ? Généralement très exigeants, très instruits, curieux et avides de découvertes, sensibles au prix, cosmopolites avec plusieurs maisons, masculins, et ils font confiance à des cavistes/marchands/conseillers. Ces individus souvent (très) fortunés s’attendent par ailleurs à des expériences uniques, auxquelles eux seuls ont accès, tout en ayant une sensibilité accrue à la juste valeur des vins.

Un monde en danger

Mais 2020, et même les années précédentes, nous auront démontré à quel point notre société et nos valeurs évoluent vite : du mouvement Black Lives Matter, au MeToo en passant par le changement climatique et les préoccupations de santé et de bien-être, il eût été étonnant que les vins fins échappent à ce bouleversement. « Jusqu’à présent, les demandes en faveur d’une plus grande équité et du développement durable n’ont pas encore touché le monde des vins fins, mais il n’y a aucun doute qu’un bouleversement se prépare », affirme Areni Global, tout en précisant : « Etre fédérateur n’est pas négatif. Plus il y aura de personnes accueillies dans le monde du vin, plus celui-ci sera fort ». Et selon Pauline Vicard, auteure de l’étude, il ne faudra pas compter sur le prestige historique et culturel associé aux vins fins pour les protéger de cette pression sociétale croissante à l’avenir. D’où son insistance sur le fait que « les producteurs, les vendeurs et les consommateurs de vins fins doivent se mobiliser tous ensemble pour faire valoir le fait que le vin fin est un produit culturel exceptionnel et que, puisqu’il reflète un moment et un lieu particuliers, il est unique et irremplaçable ». Dans le même temps, la digitalisation et l’exode citadin – accélérés par la crise du Covid-19 – créent de nouvelles occasions et façons de découvrir et d’acheter le vin fin, et autant de portes d’entrée nouvelles dont les professionnels doivent tenir compte. Enfin, certains facteurs économiques – comme la recherche de valeurs perçues comme sûres – favorisent indéniablement les vins fins, tandis que d’autres – comme l’évolution des flux commerciaux - impactent leur capacité à accéder aux marchés matures et en voie de développement. Dans tous les cas, et même si cela se produit avec un décalage dans le temps par rapport à d’autres produits, cet univers centré sur l’amont sera amené à s’orienter de plus en plus vers l’aval.