Les opérateurs auront été tenus en haleine jusqu’au dernier moment, mais la conclusion d’un accord aura finalement dissipé leurs pires inquiétudes. « La vraie crainte, c’était qu’il n’y ait pas de deal », reconnaît Edouard Cassanet, directeur de la Cave de Lugny en Bourgogne, dont 50% des ventes à l’export se font avec la Grande-Bretagne. « Comme nous subissons les taxes américaines depuis octobre 2019, nous avions vraiment peur d’être taxés à l’entrée de l’Angleterre ». Au final, la Cave a même réussi à conserver les mêmes conditions qu’avant le 31 décembre. « La rumeur courait selon laquelle les clients anglais ne voudraient pas payer de taxes et qu’il faudrait financer le dédouanement, mais au bout du compte, ce n’est pas le cas. Nous vendons toujours en départ-cave. Donc pour nous, il n’y a pas eu d’impact financier ». Ce n’est pas le cas de tous les opérateurs. « Pour nous, il y a un surcoût, c’est certain », affirme Sandra Feral, directrice export auprès de l’union des caves Vinovalie dans le Sud-Ouest. « Nous devons nous acquitter d’un coût supplémentaire de 75€ par expédition, ce qui est acceptable pour un camion mais pour les plus petites expéditions, cela compte », explique-t-elle, tout en évoquant la possibilité de devoir faire des groupages à l’avenir. D’autres encore ont préféré prendre les devants. C’est le cas de Loire Propriétés dans le Maine-et-Loire : « Depuis septembre, nous avions beaucoup anticipé la fin de la période de transition et avons changé tous nos Incoterms avec nos clients anglais. Nous sommes passés en FCA et nous nous occupons désormais de la déclaration export douanière », explique Céline Tremblay, responsable commerciale en charge du Royaume-Uni au sein du groupe.
Toujours est-il que dans les trois cas, aucun blocage n’a été constaté à la frontière et les éventuelles difficultés administratives ne se sont pas matérialisées. « Nous étions bien préparés. Nous avons reçu beaucoup d’informations de la part des douanes, de Business France et de nos agents anglais, par exemple, et tout s’est très bien passé », se félicite Sandra Feral. Idem pour la Cave de Lugny : « On a beaucoup dit que les choses allaient beaucoup changer mais au final, c’est un pays tiers comme un autre et nous travaillons tous les jours avec les pays tiers. Pour finir, cela n’a pas généré plus d’administratif que pour d’autres pays et les transitaires comme Hillebrand sont très efficaces ». Seule pierre d’achoppement, « une petite pénurie de palettes CHEP début janvier », note Sandra Feral, « mais autrement le mois de janvier s’est déroulé de façon impeccable ». Chez Loire Propriétés, qui réalise 1 M€ de chiffres d’affaires outre-Manche par an, la hausse de 130% des commandes au cours du dernier trimestre faisait penser à du surstockage côté britannique, mais en même temps, la tendance reste positive en ce début d’année, avec un éventuel changement de stratégie d’achat : « D’eux-mêmes, depuis quelque temps, nos clients commandent moins souvent mais de plus gros volumes et ils nous ont dit qu’ils allaient poursuivre de cette façon toute l’année », avance Céline Tremblay, qui ajoute que le Brexit « n’est même plus un sujet que nous abordons avec nos clients ». Il reste à savoir si la question des analyses refera surface dans quelques mois, mais comme l’affirme Edouard Cassanet « pour l’instant ce n’est pas d’actualité ». Les opérateurs se focalisent plutôt sur les possibilités offertes par un marché qui se montrent actuellement très porteur pour les vins français. « La Grande-Bretagne est l’un des premiers marchés du Val de Loire donc cela nous tenait à cœur de bien réussir la transition. C’est désormais chose faite et nous abordons 2021 avec beaucoup de sérénité et d’optimisme. Cela promet d’être une très belle année », conclut la responsable commerciale auprès de Loire Propriétés.