n matière de vins, « il y a toujours un arbitrage entre l’organoleptique et l’environnemental. La qualité n’est jamais oubliée par le consommateur. On ne peut jamais s’en affranchir » résume le professeur Éric Giraud-Héraud, directeur adjoint à la recherche de l’Institut des Sciences, de la Vigne et du Vin (ISVV), ce premier décembre lors d’une visioconférence du salon Vinitech (virtualisé, covid oblige).
Présentant de premiers résultats de recherche sur les attentes des consommateurs, l’étudiante Léa Lecomte, en thèse à l’ISVV, souligne que les vins rosés présentent la spécificité de voir leur qualité organoleptique reliée à leur couleur. Suivant le consentement à payer des consommateurs (soit « le montant maximum qu’un individu consent à payer pour un produit »), l’économiste chiffre « l’arbitrage des consommateurs entre différentes allégations [environnementales] et la qualité organoleptique en travaillant sur sa couleur ».
Avec des informations croissantes, quatre vins ont été proposés à un panel de dégustateurs : un vin conventionnel à la couleur saumon, un vin bio à la couleur litchi, le même vin bio avec une coloration sur une teinte abricot (sans impact organoleptique) et un vin sans sulfites ajoutés à la couleur abricot. Commençant par une dégustation à l’aveugle, les consommateurs indiquent par leurs consentements à payer des préférences : 4 euros pour le vin bio teinté, aux alentours de 3,5 € pour le sans sulfites, le vin conventionnel et le vin bio litchi.
Apprenant ensuite l’absence d’ajout de sulfites dans la cuvée sans SO2, les consommateurs la revalorisent à 5 €, le bio teinté se maintenant à 4 €, tandis que le vin conventionnel et le vin bio baissent à 3,5 et 3 €. Découvrant finalement que deux vins sont labellisés bio, les consommateurs valorisent 4,5 € la cuvée teintée et à moins de 4 € le bio litchi. Le vin sans ajout sulfites se replie en dessous de 4,5 € et le vin conventionnel passe en dessous de 3,5 €.


Au-delà de ces effets successifs de chaque information sur la perception de ces rosés, Léa Lecomte note qu’il est intéressant d’isoler les consommateurs selon leurs vins favoris : « pour ceux qui préfèrent le vin conventionnel, il le reste malgré les informations supplémentaires. A l’inverse, ceux qui aiment moins le vin bio teinté ne sont pas influencés par la révélation du label. On peut dire, grossièrement, que les vins rosés sont pardonnés de leur "mauvais résultats" [en matière de] sulfites et de labels à partir du moment où ils répondent à des attentes organoleptiques. »
« La couleur est tellement importante pour le consommateur que l’on ne peut dire que ce sont les questions sanitaires et environnementales qui vont prévaloir » renchérit Eric Giraud-Héraud.
* : Cette recherche est menée par Stéphanie Pérès, Eric Giraud Héraud, Anne-Sophie Masure et Sophie Tempère.