Il y a un sentiment d’optimisme prudent mais également d’inquiétude face à un éventuel retour du virus et à une économie en difficulté ». Le décor est planté par Ian Anderson Ford, co-fondateur de l’agence Nimbility, lors d’un webinaire organisé fin octobre par Vinexpo Shanghai. « Nous sommes en plein milieu d’une reprise forte mais nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge », résume-t-il. Même si les importateurs ont commencé à retrouver en octobre des habitudes d’achat « normales », tous souhaitent éviter la constitution de stocks : « La principale différence entre l’avant et l’après-Covid, c’est la réduction des stocks de peur que le virus ne reprenne au fur et à mesure qu’on s’approche de l’hiver », confirme Alexander Caillard, responsable de Pudao Wines. « Nous n’allons pas nous engager sur des volumes importants parce que nous ne souhaitons pas immobiliser notre trésorerie ». Et tant bien même que les importateurs commencent à faire leurs emplettes en prévision du prochain Nouvel An chinois, les vins ne devraient pas arriver en Chine avant novembre ou décembre. Ce qui fait dire à Ian Ford que les importations devraient baisser de 35% en 2020. « Pendant les huit premiers mois de l’année, les importations en bouteille ont régressé de 35% en volume et de 31% en valeur », poursuit l’ancien co-fondateur de la société d’importation Summergate. En cause : bien évidemment le confinement total au début de l’année, mais aussi l’impact des tensions commerciales et les surstocks toujours « dans les tuyaux » depuis le pic des achats en 2017. Les Etats-Unis illustrent bien les conséquences des mesures de rétorsion infligées par la Chine : leurs importations ont chuté de 50% en valeur pendant les huit premiers mois de l’année, et ils ne font plus partie des dix premiers pays fournisseurs de la Chine en volume. En attendant de savoir si l’Australie subit le même sort, il est indéniable que le climat n’était pas propice à une augmentation des importations.
Si les habitudes de consommation en Chine n’ont pas favorisé les importations – car très orientées vers le secteur CHR, fermé pendant des mois – certains signaux sont désormais positifs. « Les frontières restent fermées, ce qui a servi d’accélérateur au tourisme domestique », note Ian Ford, s’appuyant sur les données recueillies lors de la Golden Week, du 1er au 8 octobre. « Typiquement, les Chinois plutôt aisés partent à l’étranger pendant ces 7 jours consécutifs de congés. Cette année, les transactions via Union Pay, la plus grande plateforme de transactions en Chine, ont augmenté de 6,3% par rapport à l’an dernier ». Son constat est partagé par Alexander Caillard : « Nous avons indéniablement tiré profit de la fermeture des frontières. Le prix moyen à la bouteille augmente et nous n’arrivons pas à répondre à la demande des grands noms comme DRC ou Leflaive. Ce qui est sûr, c’est que l’offre s’est premiumisée ». Par ailleurs, le commerce en ligne, déjà très développé en Chine, a reçu un nouveau coup de fouet. « La consommation à domicile n’a pas progressé de manière significative », reconnaît Daniel Siebers, directeur marketing et commercialisation auprès du distributeur de vins fins Sarment. « En revanche, il y a eu beaucoup d’exploration en ligne. Les Chinois ont découvert de nouvelles plateformes et manières d’acheter du vin ». Résultat : des ventes record en mars, avril et mai constatés par certains opérateurs. Même si la réaction de chaque grande ville face à la crise sanitaire diffère – Shanghai étant plus ouvert actuellement que d’autres villes – globalement les tendances structurelles restent porteuses d’espoir pour le secteur du vin. « Je persiste à prédire que les importations de vins en bouteilles vont doubler au cours des dix prochaines années », avance Ian Ford.