Bordeaux, les affaires judiciaires sur les vins de négoce reprenant le nom et les codes graphiques d’une propriété dont ils ne sont pas issus se suivent, se ressemblent et forment une jurisprudence permettant déjà de déceler les bonnes pratiques en la matière... Ainsi que celles qui s'en éloignent. Exemple avec l'audience prévue ce 22 octobre devant la quatrième chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux : "le Bordeaux de Ginestet", exploité depuis 2014 par le négociant Ginestet grâce à une convention d’exploitation exclusive avec le château Citran (cru bourgeois du Médoc).
Si l'audience a été renvoyée au 26 novembre prochain*, "le Bordeaux de Citran" comparait pour pratique commerciale trompeuse et coche de nombreuses cases sanctionnées par le passé, notamment "le Bordeaux de Maucaillou" et le "Bordeaux de Larrivet Haut-Brion". Si chaque cas reste particulier, "le Bordeaux de Citran" s’approprie dans son nom l’appellation, ce qui est désormais clairement déconseillé par le pôle régional de répression des fraudes de la Direction Régionale des Entreprises de la Concurrence (Direccte). En matière de pratique commerciale trompeuse pour le consommateur, la marque "le Bordeaux de Citran" ne manque pas de points communs avec le château Citran sur son étiquette (le paon, les couleurs, la graphie…), mais en possède peu au niveau de sa production (les vins d’AOC Bordeaux Supérieur étant issus d’assemblages de vrac ne venant pas de l’assiette foncière du cru bourgeois du Médoc).


Sur la contre-étiquette, « il est mis en avant la "sélection rigoureuse effectuée par les équipes techniques du Château Citran" alors que ni la maison Ginestet ni le château Citran n'ont pu produire de justificatif de cette sélection et de sa rigueur ou autre trace de dégustation ou commentaire sur ce vin » souligne ainsi le courrier de novembre 2019 par la Direccte au procureur.
Alors que le négociant se défend de toute pratique commerciale pouvant créer une confusion, les enquêteurs estiment qu’« aucune mention ne précise au consommateur que le vin "le Bordeaux de Citran" n'a aucun lien avec le château Citran ». Soulignant que la propriété a perçu 440 000 € de redevance de 2014 à 2016, la Direccte estime que le château Citran « a participé également à cette pratique en n'apportant aucune objection à l'indication de la mention "sélection rigoureuse effectuée par les équipes techniques du château Citran" portée sur la présentation et l'étiquetage du vin, alors qu'elle ne disposait d'aucune trace de la réalisation de cette sélection et de la rigueur avec laquelle elle a été effectuée ».


Critiquée dans la filière des vins de Bordeaux pour ses attaques répétées, la Direccte note que dans le cas des marques domaniales, « les chiffres d'affaires générés se font au détriment du consommateur et au détriment des autres opérateurs du secteur qui respectent la réglementation et donc réalisent des chiffres d'affaires moindre car ils s'obligent à présenter leurs vins dans le respect de la réglementation sans induire en erreur le consommateur ».
En attendant l'audience, et le délibéré, du tribunal de Bordeaux, nul doute que les réflexions de la filière bordelaise pour créer un guide des bonnes pratiques pour les marques domaniales s’inspireront de cette grille de lecture administrative.
Exploitée par la maison Ginestet entre 2014 et 2016 (avec 600 000 cols vendus sur cette période), "le Bordeaux de Citran" est depuis devenu "Citran Bordeaux".
*: A la demande du château Citran.