Tensions
Des viticulteurs doutent de la compétence des prospecteurs de la flavescence dorée

Sur les réseaux sociaux, plusieurs viticulteurs reprochent aux prospecteurs de la flavescence, dont les groupements de défense contre les organismes nuisibles, un mauvais repérage des pieds contaminés par la flavescence dorée. Ces derniers se défendent.
« J’ai terminé les vendanges hier (le 17 septembre, NDLR). Arrivé sur la dernière parcelle, j’ai encore trouvé 4 pieds marqués à la peinture. L’un présente bien des symptômes de flavescence dorée, avec des feuilles rouges et retournées, mais sur les autres, rien ! » assure Denis Lacoste, à Mérignas dans l’Entre-Deux-Mers. Au total, ce sont 15 pieds que le viticulteur pourrait devoir arracher, alors que selon lui seuls deux ou trois sont contaminés. « J’attends le courrier, et je suis prêt à adresser réclamation au GDON (Groupement de défense contre les organismes nuisibles) » prévient-il.
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Comme Denis Lacoste, plusieurs viticulteurs se sont plaints de mauvais diagnostics de la flavescence dorée sur les réseaux sociaux. Sur le groupe Facebook « Matériel et viticulture », ce
15 septembre, Xavi Amblevert, a publié la photo d’un pied marqué sans qu’aucun symptôme de la maladie ne saute aux yeux. « Mise à part quelques feuilles plombées par la cicadelle verte et un demi-rameau non aoûté, je ne vois pas grand-chose. Pensez-vous que le GDON des Bordeaux fait correctement son travail ? » a-t-il demandé au reste de la communauté.
Les réponses ont fusé. « Si cela peut te rassurer, ils m’ont peint 5 pieds par rang sur 1,7 hectare de chardonnay aux feuilles bien vertes » a témoigné Alexandre Truau, vigneron dans le Gers. « J’ai eu le même cas, je ne suis pas convaincue qu’ils soient si experts que ça » a rétorqué Julie Carrié, dans le Limouxin. « Cette année c’est ridicule, ils marquent tout sans rien discerner » a à son tour pesté Olivier Françon, sur Saint Maurice et Visan dans les Côtes du Rhône. « Nous avons les mêmes problèmes en Bourgogne du Sud » a ajouté Christophe Perraton. A noter, qu'en Bourgogne, si la prospection est supervisée par la FREDON, les marquages sont réalisés par des collectifs de viticulteurs.
Directrice du GDON des Bordeaux, dont dépend Denis Lacoste, Sophie Bentéjac regrette cette vague de défiance. « Nous ne sommes pas là pour les punir mais pour les aider » insiste-elle.
Pour rassurer tout le monde, elle rappelle que dans les parcelles prospectées pour la première fois, la présence de la bactérie est systématiquement validée par une analyse, avant qu’il ne soit demandé au viticulteur d’arracher des pieds.
Les parcelles contaminées sont revisitées l’année suivante. Cette fois, elles ne sont plus analysées. « Mais la consigne est claire. Si, malgré une formation de deux jours, un prospecteur hésite, il doit demander l’avis du chef d’équipe ou d'un prospecteur expérimenté. Si ces derniers ne parviennent pas non plus à trancher, ils peuvent demander à un permanent de retourner sur place, mais ils ne doivent pas marquer le pied. »
Sur les réseaux sociaux, certains pointent aussi du doigt le travail réalisé par les prestataires. Dans le bordelais, des équipes recrutées par Banton et Lauret sont dépêchées dans les vignes. « Contrairement à nos équipes internes, ils ne peignent pas les pieds douteux à la bombe mais les entourent à la rubalise, rapporte Sophie Bentéjac. Nous retournons ensuite sur place pour valider leurs marquages. »
Lorsqu’un viticulteur ne comprend pas un marquage, le plus simple est qu’il contacte le GDON. Un permanent, formé pendant plusieurs années par un expert de la fédération régionale, se déplacera chez lui pour lui expliquer pourquoi son pied a été peint. « Si le doute persiste, il pourra ensuite demander une analyse, dont il aura la charge financière » explique-t-elle.
En 10 ans de métier, la directrice du GDON s’est rendue à de nombreuses fois chez des viticulteurs dubitatifs. « Et je n’ai jamais constaté d’erreur de diagnostic de la part du prospecteur, assure-t-elle. A la rigueur, ce qui peut arriver, c’est qu’un prospecteur peigne le mauvais pied, trompé par l’entrecroisement des rameaux. »
Pour apaiser les tensions, Sophie Bentéjac invite les viticulteurs à prendre part à la prospection. « Cela leur permet de mesurer la difficulté de l’exercice et de réaliser que les agents ne font pas la course au chiffre. »
Faute de moyens humains, le GDON des Bordeaux ne peut actuellement pas visiter une parcelle plus d’une fois tous les douze ans, alors que la maladie peut ravager 20% d’une parcelle en 3 ou 4 ans.
Pour aller plus vite, il travaille actuellement avec l’Institut Français de la Vigne et du Vin et l’IMS, un laboratoire de recherche, sur un projet de télédétection. « Pas convaincus par les drônes, trop sensibles aux ombres du feuillage et aux herbes, nous avons choisi d'utiliser de petites caméras, peu coûteuses, embarquées dans les machines à vendanger, dont les images seront interprétées par un algorithme auquel nous allons apprendre à reconnaître les symptômes de la flavescence » détaille Sophie Bentéjac. « L’Agence Nationale de la Recherche vient de nous accorder un financement pour trois ans et nous allons réaliser nos premières prises de vues la semaine prochaine.»
Cette solution permettrait de prospecter très rapidement 80% du vignoble. « Les prospecteurs n’auraient plus à passer que chez les viticulteurs qui vendangent manuellement. »