ace aux répercussions immédiates de la pandémie de coronavirus sur la filière vin, la Commission Européenne a su montrer sa réactivité en ouvrant rapidement son cadre réglementaire aux outils de gestion de crise (distillation, stockage, vendanges en vert…). Ce qui n’empêche pas les critiques de tomber sur Bruxelles pour ne pas être allée jusqu’à débloquer de nouveaux fonds de soutien (laissant aux États membres l’arbitrage et le financement de ces mesures). La Commission conseille à chaque vignoble de d’abord consommer ses enveloppes actuelles avant d’en demander de nouvelles. Le point avec Michael Scannell, directeur général adjoint au service agricole de la Commission Européenne (la DGAgri).
Soudaine, la pandémie de coronavirus a eu un impact très déstabilisateur sur les marchés du vin. Quel bilan tirez-vous des outils mis en place par la Commission Européenne pour soutenir la filière viticole ? Sont-ils assez nombreux et bien dimensionnés pour permettre de passer le cap de cette crise inédite ?
Michael Scannell : Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact des mesures mises en place au niveau européen pour contrer les effets de la pandémie du coronavirus sur le secteur vitivinicole européen. Toutefois, nous savons déjà que les pays producteurs de vin prévoient de consacrer 202 millions d’euros de leurs enveloppes d’aides européennes à la distillation et 22,6 millions € au stockage privé. Certains pays ont aussi mis la mesure de vendange en vert à la disposition de leurs producteurs pour leur permettre de contrôler au mieux le volume de la récolte de 2020.
Nous encourageons vivement tous les acteurs de la filière vitivinicole européenne à profiter des avantages et améliorations mis en place récemment dans le cadre des programmes d’aide au secteur du vin. Je me réfère en particulier aux deux nouvelles mesures de distillation de crise et de stockage de crise, ainsi qu’aux augmentations rétroactives de la contribution européenne qui passe de 50 à 70 % pour toutes les autres mesures (restructuration des vignobles, promotion dans les pays tiers, investissements, vendange en vert, innovation), si le Parlement et les États Membres l’entérinent.
Pour ce dernier élément (augmentation de la contribution européenne), son entrée via le Règlement Délégué adopté par la Commission le 6 juillet est maintenant dans les mains des deux colégislateurs, le Parlement et le Conseil, qui devraient exprimer préalablement leur absence d’objection.
Que répondez-vous aux États membres demandant de nouveaux fonds européens, hors plans nationaux d’aide, pour financer des mesures de distillation de crise, d’aide au stockage privé et de vendanges en vert ?
L’Union Européenne a récemment adopté plusieurs règlements permettant de financer ces trois mesures dans le cadre des programmes d’aide au secteur du vin : la distillation de crise et l’aide au stockage de crise jusqu’à 100 % et la vendange en vert à hauteur de 70 % des couts éligibles (législation en cours de validation par le Conseil et le Parlement, avec effet rétroactif au 4 mai 2020). La Commission a également assoupli les règles de manière à permettre aux bénéficiaires de changer leurs opérations pour s’adapter à la situation du marché, et ceci sans pénalité.
Dans ce contexte, les dernières données chiffrées sur base des paiements montrent une sous-exécution de 28,6 % du budget annuel à disposition des États Membres pour leurs programmes vin. Cela veut dire qu’il reste encore 788 millions d’euros à dépenser en moins de 3 mois et demi. Dans ces conditions, la Commission considère que les États Membres producteurs de vin et les acteurs du secteur doivent d’abord faire usage de cette enveloppe qui est à leur disposition et qui sera perdue pour la filière si elle n’est pas dépensée au 15 octobre (date de fin de l’année budgétaire).
Pourquoi la Commission n’a-t-elle pas débloqué les marges sous plafond ou la réserve de crise ?
La pandémie a eu un impact significatif sur la mise en œuvre des programmes vins financés par le budget européen. Il en résulte une sous-exécution financière dans le cadre de ces programmes avec une marge financière actuelle (pas encore exécutée dans des paiements) dépassant les 800 millions €. La majeure partie de ces montants sont à disposition des États membres pour financer toutes les mesures que j’ai mentionnées, y compris les deux nouvelles mesures : distillation et stockage de crise. La Commission souligne le risque que si cette sous-exécution budgétaire persiste en 2020, les montants non-dépensés pourraient ne pas être utilisés pour la filière.
De prochaines mesures d’aide et de soutien sont-elles prévues par la Commission Européenne pour la filière vin (régulation de la production, aides à la commercialisation…) ?
Pour répondre aux demandes du secteur de mise en place de mesures plus « à la carte », comme la régulation de la production (vendage en vert partielle) ou les aides à la commercialisation (promotion au sein de l’Union Européenne), la Commission a activé l’article 222. Qu’est-ce que ça veut dire ? En fait, la Commission permet temporairement, pendant 6 mois, aux organisations de producteurs et aux interprofessions notamment de conclure des accords ou de prendre des décisions conjointes pour des actions qui ne peuvent être financées au plan européen. Un rendez-vous est pris avec le secteur et avec le Parlement Européen pour revoir la situation à l’automne quand on aura une meilleure vision des effets des mesures mises en place et des perspectives de la prochaine récolte.
La demande française d’un fonds de compensation aux surtaxes américaines peut-elle en faire partie ?
La Commission surveille de près l'impact des tarifs américains sur les produits de européen. L'Union européenne dispose d'un budget substantiel pour la promotion des produits agroalimentaires dans le monde. La Commission encourage les États membres à utiliser les mesures de promotion disponibles. En outre, dans le contexte de la pandémie de coronavirus, la Commission a adopté un ensemble de mesures de marché pour soutenir les secteurs agroalimentaires, dont le secteur vitivinicole, qui bénéficie chaque année d’une enveloppe globale de 1,1 milliard € pour financer les programmes de soutien des pays producteurs. Ces mesures spécifiques offrent un soutien aux opérateurs de l’Union européenne dans le cadre des tarifs américains sur les produits agricoles et les aident à consolider leur position sur les marchés existants ou à rechercher de nouvelles opportunités dans d'autres marchés.