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L'Inde, la grande oubliée du portefeuille français à l’export ?
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L'Inde, la grande oubliée du portefeuille français à l’export ?

Malgré sa proximité de la Chine, l’Inde n’a pas - encore - rebattu les cartes du marché mondial du vin. Découvrez les opportunités de ce marché en préparation du webinaire Vitisphere et Business France qui se tiendra le 14 mai prochain.
Par Sharon Nagel Le 13 mai 2020
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L

es analystes sont nombreux à le dire : tout exportateur potentiel doit éviter le marché indien à tout prix, tant les obstacles à une pénétration réussie sont nombreux. Faux, répond Sonal Holland, qui a fait de la diffusion de la culture du vin en Inde son cheval de bataille. Classée parmi les 50 femmes les plus puissantes du secteur du luxe indien pendant trois années consécutives, elle s’est donné comme mission de former professionnels et consommateurs à travers sa Wine Academy, de mettre en lumière les vins les plus qualitatifs présents en Inde dans le cadre de ses Indian Wine Awards, de favoriser l’appréciation de la culture du vin par le biais de son SoHo Wine Club et désormais de rendre accessible une gamme de plus de 300 vins indiens et internationaux de calibre mondial dans sa chaîne de cavistes. « Nous ne nions pas que le marché indien soit compliqué. La taxation est parmi les plus élevées au monde, et la bureaucratie est très importante. L’Inde n’est pas un seul pays, mais 29 pays différents, chacun avec ses propres taxes, règles et règlementations, comme aux Etats-Unis », reconnaît-elle. « Mais cette vérité est devenue le plus grand cliché indien ».

 

« Une personne sur dix dans le monde est une femme indienne »

Côté chiffres, les Indiens consomment entre 2,8 et 3 millions de caisses de vins, dont 25% sont importés. Avant l’imposition de mesures de confinement, la consommation progressait de l’ordre de 14/15% par an. Les préjugés à l’encontre de la production locale, s’ils ont tendance à diminuer en raison des progrès qualitatifs réalisés, ont favorisé la « croissance exponentielle » des vins importés. « Les consommateurs qui n’ont pas de connaissances particulières en la matière boivent des vins locaux parce qu’ils sont très bien diffusés, moins chers, plus accessibles sur le plan intellectuel et plus pratiques à consommer car souvent coiffés de capsules à vis », explique Sonal Holland. « Mais les vins internationaux se vendent mieux dans les Etats où ils sont disponibles ». La nature démographique du pays explique en partie la montée en puissance du vin dans la société indienne. « La population indienne s’élève à 1,3 milliard dont 50% sont des femmes. Une personne sur dix dans le monde est une femme indienne. Les femmes représentent un marché bien plus important que nous ne le soupçonnions il y a ne serait-ce que cinq ans ». La stigmatisation sociale liée à la consommation d’alcool par les femmes s’est avérée favorable aux vins. « Même dans les grands centres urbains, il était difficile pour une femme de consommer de l’alcool ouvertement. Bien souvent, elle mettait une étiquette de soda sur la bouteille pour masquer le fait qu’elle buvait de la vodka ! Aujourd’hui, les femmes peuvent boire du vin sans être mal vues par la belle famille, son mari ou le public. Elles ressentent ainsi un sentiment de libération et d’équité en consommant du vin. L’enjeu est énorme et celui qui ne comprend pas le potentiel  de ce marché passe à côté d’une immense opportunité ».

 

L’une des populations les plus jeunes au monde

Autre particularité démographique indienne : plus de 50% de la population indienne a moins de 25 ans. « Certes les Millennials ne boivent pas que du vin, mais le vin les fascine », poursuit Sonal Holland. « Ils n’ont pas les complexes vis-à-vis du vin qu’ont les générations précédentes. Ils aiment le goût, le jugent supérieur à d’autres boissons intellectuellement, plus sophistiqué et plus sain, sachant que la santé pour les jeunes d’aujourd’hui est primordiale ». L’arrivée en scène de ces deux groupes démographiques prépondérants ouvre le champ des possibles en matière de typologies. « Malgré notre climat, le vin rouge représente 65 à 70% de notre consommation. Sans vouloir trop verser dans la sur-simplification, tout vin facile à boire, souple, harmonieux, bien équilibré et fruité issu de raisins bien mûrs ou de climats chauds pourrait trouver faveur auprès des jeunes et des femmes ». Pour la France, ces préférences pourraient impulser le développement des vins du Languedoc – déjà bien présents en Inde – de la Vallée du Rhône, voire même de la Loire, réchauffement climatique oblige. Pour éviter de schématiser, il faut préciser aussi que les Indiens apprécient le goût boisé, contrairement à certains de leurs voisins.

 

 

Sonal Holland a repris la branche caviste de l’enseigne premium Foodhall où dans plusieurs grandes villes indiennes elle souhaite créer « une expérience plus internationalisée et de calibre mondial pour le consommateur indien ».

 

L’offre française éclipsée par la réussite italienne

Les vins effervescents, aussi, commencent à gagner du terrain, faisant apparaître de grosses lacunes dans l’offre française distribuée en Inde. « Nous adorons le Champagne, mais il est cher. Pourquoi alors, ne trouve-t-on qu’une marque de Crémant en Inde ? Il y a de nombreuses opportunités pour commercialiser du Crémant sur le marché indien, à un cinquième du prix du Champagne ». Les rosés ne sont pas en reste, mais là aussi, les exportateurs français passent à côté d’une belle occasion, estime la Master of Wine. « Certes, il y a encore quelques problèmes au niveau du stockage. Mais aujourd’hui, la plupart des importateurs possèdent des entrepôts sous douane climatisés. La raison pour laquelle nous n’avons pas assez de rosés français sur le marché n’a rien à voir avec des problèmes de logistique, qui est le maillon faible de la chaîne de distribution au niveau mondial. C’est parce qu’ils ne sont pas commercialisés en Inde. Mes clients en magasin me réclament des rosés, tranquilles et effervescents, mais les disponibilités manquent. Si l’on proposait davantage de références à des prix corrects, les rosés se vendraient très bien. Mais il faut que des opérateurs en soient convaincus pour sortir du vieux problème de l’œuf et de la poule ». Ce ne sont pas que les rosés qui brillent par leur absence : « La distribution et la disponibilité des vins français est sans commune mesure avec la percée qu’ont réussi les Italiens. L’immense majorité des références françaises en Inde proviennent du Languedoc, du Sud de la France plus généralement et des villes satellites du Bordelais. Il nous manque terriblement des vins de prestige, du Médoc ou des appellations renommées de la Bourgogne, voire même des appellations plus accessibles en termes de prix comme Rully, Givry ou Mercurey. Je pense que la France a oublié l’Inde ou n’y prête pas suffisamment attention. Si je devais constituer une belle carte des vins, j’aurais beaucoup de mal à trouver les grands classiques en dehors de Chablis. Et ça, c’est une tragédie ».

 

Aucune comparaison possible avec la Chine

Sonal Holland ne cache pas, en effet, sa déception, voire sa colère vis-à-vis de la filière française. « Beaucoup d’importateurs me confient que les exportateurs français ne veulent pas descendre de leurs grands cheveux pour proposer des vins à des prix réalistes. Or, quand je me rends en France tous les ans, je constate que certains vins se vendent moins cher que l’eau et que des pans entiers du secteur souffrent terriblement. C’est l’énorme paradoxe. Pour moi, les exportateurs doivent revoir leurs priorités en matière de marchés export et innover. Visiblement la Chine leur a fait défaut, mais j’ai l’impression que les opérateurs français ne veulent pas se mettre au boulot et collaborer de manière plus étroite avec les importateurs indiens, dans une logique pérenne où il faut, je le reconnais, s’armer de patience. Ils recherchent plutôt un retour rapide sur investissement mais l’Inde ne fonctionne pas de cette manière ». N’allez surtout pas comparer l’Inde et la Chine, Sonal Holland est catégorique sur ce point : « La Chine s’est développée rapidement parce que le gouvernement a apporté son soutien sans réserve au secteur du vin. En Inde, nous ne verrons sans doute pas le même soutien. Il n’y aura pas d’explosion du jour au lendemain du marché indien, mais plutôt une évolution progressive. Ce qui s’est passé en deux ans en Chine prendra peut-être sept ou huit ans en Inde, mais nous y arriverons ». Et la MW de mettre en garde ceux qui ne sauraient pas prendre le train en marche au bon moment. « Si les exportateurs attendent qu’il y ait un boom, ce sera trop tard, d’autres auront déjà pris position sur le marché ».

 

Nouveau symbole de l’amour, du raffinement et de la réussite

Ses conseils pour réussir en Inde ? « Il faut que les opérateurs s’engagent en Inde. Il faut qu’ils définissent bien leur clientèle cible et surtout qu’ils innovent en matière de communication. Plus personne ne veut participer aux dîners assis avec les discours classiques ». Et de citer l’exemple réussi de Moët et Chandon, présent en Inde depuis 2014 et producteur local d’effervescents. « Pour lancer ses bulles, Chandon a transformé une salle de bal en boîte de nuit. Sous les lumières disco, personne ne parlait, la musique était forte et on a bu des bulles toute la soirée. Résultat ? Chandon est devenue la marque de prédilection dans la catégorie des effervescents du jour au lendemain ». La MW préconise, dans la mesure du possible, de se focaliser sur l’aspect « lifestyle » et d’opter pour une mise en scène décontractée. « Vous essayez de vendre un mode de vie, donc ne parlez pas de la marque elle-même mais plutôt de ce qu’elle peut apporter sur ce plan-là ». Il ne fait aucun doute que le vin s’est invité dans la société indienne pour devenir l’élément incontournable des fêtes entre amis, des mariages – très fastueux - voire même de l’industrie cinématographique. « Bollywood est une entreprise encore plus grosse qu’Hollywood et les Indiens le prennent très au sérieux. Aujourd’hui, on montre systématiquement les acteurs principaux avec un verre de vin à la main. C’est comme si le vin était devenu le nouveau symbole médiatique de l’amour, du raffinement et de la réussite. Je suis très optimiste pour l’avenir. Certes les taxes sont élevées, mais elles le sont aussi pour le whisky et cela n’a pas empêché l’Inde de devenir le premier marché mondial du whisky. Si nous parvenons à capter la moitié de ce marché pour le vin, nous aurons réussi ».

Pour s'incrire au webinaire consacré à l'Inde et réalisé par Vitisphere et Business France, cliquer ici.

Le vin au verre un créneau hautement porteur

Le poids des taxes est tel sur les vins importés que le positionnement prix classique tourne autour de 2 000 roupies, soit 25-30 euros la bouteille, « pour un vin plutôt basique », tarif qui peut monter jusqu’à 60-70 euros pour les vins français. Autant dire que les marges pratiquées par les restaurants – entre 300 et 400% - rendent les prix dans le CHR très élevés. « Malheureusement, la plupart des restaurants ne proposent que des vins indiens ou des références d’entrée de gamme au verre parce qu’ils ne veulent pas prendre le risque de le voir se détériorer et de devoir le jeter. Or, pour des questions de santé et de découverte, les Indiens préféreraient boire du vin au verre ». La cherté du vin au restaurant a eu pour effet de favoriser la consommation à domicile, de telle sorte que le rapport entre le CHR et la distribution s’est inversé en 5 ans. « Avant, 70% des vins étaient consommés dans la restauration et 30% à domicile. Aujourd’hui c’est l’inverse ». Le dynamisme du secteur retail, notamment dans les grandes villes comme Mumbai, Delhi et Bangalore – les trois grands centres de commercialisation du vin auxquels s’ajoutent Pune, Goa, Chennai et Calcutta – a également révolutionné le mode d’achat du vin.

 

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