e courtier international Ciatti et le transporteur Kuehne + Nagel ont choisi le format webinaire pour faire un tour d’horizon du marché du vin en vrac et de la logistique au niveau mondial, sur fond de Covid-19. Tout comme le virus, les problèmes auxquels la filière est confrontée ne connaissent pas de frontières, et certains points communs relient les principaux pays fournisseurs entre eux. Côté positif, le marché chinois redémarre ; le secteur vitivinicole est considéré quasi systématiquement comme essentiel et a pu donc continuer à fonctionner, fût-ce à un rythme moindre ; la commercialisation des vins pour la consommation à domicile se porte bien ; et aucune entrave rédhibitoire n’a été identifiée par Kuehne + Nagel au niveau du transport international, sauf pour l’Afrique du Sud. Dans ce dernier cas, le gouvernement a fait plusieurs volte-face pour finalement interdire les exportations de vins au 16 avril, interdiction qui sera levée de nouveau ce 1er mai. Côté négatif, la liste est bien plus longue – du moins pour l’amont de la filière. Globalement, le marché du vrac est devenu très favorable aux acheteurs, phénomène qui ne pourra que s’accentuer au fur et à mesure qu’on avance vers la prochaine récolte. Comme l’a fait remarquer Florian Ceschi, responsable du bureau français de Ciatti, « les caves ne sont pas conçues pour stocker plus d’une récolte ». C’est vrai en France mais aussi dans d’autres pays producteurs, et la pression financière sur les caves est exacerbée par la nécessité de commencer à payer la récolte 2019. Ce, d’autant plus que, les prix affichés sont loin d’être fermes : « Les prix que nous annonçons dans nos rapports semblent stables, mais très peu de transactions sont conclues donc tout est négociable, selon les délais d’enlèvement et les modalités de paiement ».
Pour les acheteurs, du moins ceux qui travaillent avec la grande distribution, les opportunités d’affaires se multiplient. Aux Etats-Unis, où les prix se sont stabilisés selon Greg Livengood, PDG de Ciatti basé en Californie, les grandes marques affichent une forte croissance, notamment celles positionnées en entrée de gamme. Les BIB de 3 litres progressent aussi. Pour le secteur CHR, le scénario est tout autre : « L’avenir est incertain mais beaucoup considèrent que plus de 50% des établissements dans le circuit CHR ne ré-ouvriront pas ». En Europe, des opportunités improbables émergent. « Nous voyons arriver sur le marché beaucoup d’offres de vrac premium qui n’étaient pas disponibles avant », confirme Florian Ceschi, citant les vins bios et les vins de Provence pour la France. « Ce sont des vins proposés, soit par des producteurs en difficulté qui savent qu’ils ne vendront pas la totalité de leurs volumes disponibles en bouteilles, soit par des embouteilleurs qui ont trop de stocks et doivent s’en séparer ». Les autres pays producteurs européens ne sont pas épargnés par ce phénomène. Après avoir surmonté, du moins provisoirement, le challenge du Brexit et sécurisé les volumes importants de Prosecco et autres pinot grigio qui partent vers le Royaume-Uni, l’Italie doit faire face à celui du Covid-19. « Il y a des opportunités d’achat parce que certains producteurs de vins premium ne veulent pas modifier le positionnement prix de leurs vins en bouteille et cherchent à entrer sur le marché du vrac avec des qualités qu’on avait du mal à trouver par le passé », poursuit Florian Ceschi. Et de noter que les menaces qui pèsent sur le haut de gamme poussent actuellement certains consortiums à demander une révision à la baisse des rendements des DOC pour la récolte 2020. Sans parler des demandes de distillation de l’ordre de 2 à 3 millions d’hectolitres émanant du pays.
Enfin, l’Espagne, qui était déjà en mauvaise posture avant la crise avec des stocks importants de vins blancs génériques, des prix orientés à la baisse et de l’attentisme du côté des acheteurs européens en prévision d’une nouvelle baisse, souffre des difficultés à l’export vers lequel sont expédiés les trois-quarts de ses vins. Les grands acheteurs nationaux ont, pour l’instant, pris le relais : « Le marché local est plus actif que les exportations », note Florian Ceschi. « La Chine redémarre un peu, important essentiellement des assemblages européens, mais ce sont les grands acheteurs nationaux qui font actuellement le marché ». Pour combien de temps ? Le tourisme représentant 12,3% du GDP espagnol (13% en Italie et 7,3% en France), si la saison estivale ne démarre pas, le marché national ne pourra pas absorber les volumes disponibles : « Ce serait un désastre pour le secteur du vin espagnol et les stocks ». D’où la demande de distillation émanant de la filière pour un volume d’environ 2 Mhl au prix de 2,5 à 3 euros le degré hectolitre, soit potentiellement 30 cts le litre, frais de transport inclus. Parmi les opportunités qui se présentent aux acheteurs figurent les vins bios espagnols, dont le différentiel de prix – entre 20 et 25% de plus par rapport aux vins conventionnels - reste faible par rapport à d’autres pays producteurs. Un atout d’autant plus important dans un contexte de risques sanitaires : « Les vins bios pourraient devenir une sorte de refuge pour les consommateurs », suggérait le courtier français. Quoi qu’il en soit, il ne fait pas de doute que la crise va bouleverser les structures de distribution et obliger la filière à réfléchir autrement à sa manière de commercialiser ses vins et aux équilibres entre les différents circuits.
Avec le déconfinement, le secteur industriel reprend progressivement son activité, ce qui pourrait provoquer un engorgement des ports, a expliqué Horst Mueller, vice-président international de VinLog, la solution de logistique dédiée aux vins et spiritueux proposée par Kuehne + Nagel. Il pourrait en découler également des problèmes de stockage et de disponibilité de conteneurs. Ce qui ne devrait pas décourager les acheteurs de profiter des opportunités d’affaires actuellement : « La qualité du stockage en flexitanks peut être garantie pendant au moins 90 jours, donc si des opportunités se présentent, il existe des solutions, y compris dans des zones de stockage en dehors des ports ».