Pendant la semaine se terminant au 21 mars, les ventes de vins aux Etats-Unis pour la consommation à domicile ont fait un bond de 66 %, d’après des données fournies par Nielsen et publiées par Wine Business. La semaine précédente, un gain de 28 % a été enregistré. A titre de comparaison, au cours du trimestre clos au 25 janvier 2020, les ventes de vins ont été stables avec seulement 0,6 % de croissance. Sans surprise, les ventes en ligne explosent, avec +243 % pour le vin, la bière et les spiritueux durant les sept jours précédant le 21 mars, comparés à la même semaine en 2019. Sur le site Wine.com, la demande quotidienne a été trois fois supérieure à la normale au mois de mars, mais les clients – dont beaucoup de nouveaux – ont dépensé moins par bouteille (23 $ au lieu de 32 $, soit 21 et 29 euros).
De même, les grands formats se sont vendus comme des petits pains : d’après Nielsen, les BIB de trois litres ont fait un bond de 136% et ceux de 5 litres de 66 %, toujours pendant la même semaine. Au Royaume-Uni, on a constaté la même tendance, les détaillants faisant état de volumes de ventes identiques à ceux de la période des fêtes de fin d’année. Toujours selon Nielsen, les ventes de vins, bières et spiritueux y ont progressé de 58 % au cours des 7 jours se terminant au 21 mars. Enfin, si le CHR a subi de plein fouet l’impact des mesures de confinement et de distanciation sociale, certains établissements ont rivalisé d’imagination pour tenter d’en limiter les répercussions.
Il n’empêche que cette envolée des ventes, qui profite essentiellement aux grandes enseignes et aux marques leaders, risque d’être de courte durée. En effet, elle ne correspond pas à des produits consommés mais plutôt mis en réserve, et va entraîner un gel des achats comme cela s’est produit aux Etats-Unis après le 11 septembre, et plus globalement à la suite de la crise financière de 2008, note l’analyste américain Full Glass Research. Par ailleurs, de nombreux observateurs estiment que la crise sanitaire marquera sans doute la fin de la premiumisation, en raison de la récession économique mondiale qui s’ensuivra. D’autres évolutions sont également prévisibles : Wine Intelligence pointe une transition à moyen et potentiellement à long terme vers la consommation à domicile, entraînant une moindre fréquentation et une diminution des dépenses dans le secteur CHR, de même qu’une tendance à privilégier les produits locaux au sein des pays producteurs. Cette tendance serait liée à la fois à un repli sur soi au niveau des nations, et à une volonté parmi les consommateurs de favoriser les entreprises locales en période de crise.
En revanche, comme toutes les « guerres » favorisent des avancées sociétales, les professionnels américains entrevoient déjà une belle opportunité de faire évoluer le système post-prohibition de distribution des boissons alcooliques. Le carcan réglementaire américain, à la fois strict, hétérogène et jusqu’à présent quasi-immuable, commence à s’assouplir. Dans l’Etat de New York, par exemple, les restaurants ont reçu l’autorisation de proposer la vente de boissons alcooliques à emporter ou pour la livraison à domicile. De nombreux autres Etats ont fait de même, laissant entrevoir le début d’une brèche dans un dispositif extrêmement contraignant, qui pourrait se creuser dans l’ère post-coronavirus. Une fois que les consommateurs auront goûté à ces libertés, seront-ils prêts à y renoncer par la suite ? Rien n’est moins sûr.