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Les tensions entre vignerons et riverains bordelais ravivées par un déboisement "sauvage"
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Les tensions entre vignerons et riverains bordelais ravivées par un déboisement "sauvage"

Entre les arguments juridiques sur l’abattage d’arbres sur une propriété privée et les remises en cause morales sur la gestion unilatérale d’un patrimoine végétal, le débat s’envenime pour le vigneron Dominique Haverlan et le directeur du lycée privé Frédéric Chassagne. Un exemple regrettable de manque d’anticipation et de concertation causant du tort à l'image du vignoble peut-on entendre au syndicat viticole.
Par Alexandre Abellan Le 07 avril 2020
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Les tensions entre vignerons et riverains bordelais ravivées par un déboisement
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 Tout est permis, mais tout n'est pas utile. Tout est permis, mais tout n'édifie pas » pose le premier épître aux Corinthiens (10:23). Un enseignement biblique à méditer face à la polémique naissante autour du déboisement réalisé par un vigneron à proximité immédiate d’un complexe scolaire. « Je ne connais pas de texte réglementaire qui interdise de couper des arbres sur sa propriété. Et personne n’interdit de planter des vignes à côté d’une école si l’on respecte la réglementation » rappelle, dépité, Dominique Haverlan, à la tête des vignobles Haverlan (150 hectares de vignes, dont 30 ha en AOC Pessac-Léognan). Ce mercredi premier et ce vendredi 3 avril, le vigneron demande à un prestataire de couper les arbres d’une prairie boisée de 2 ha dont il vient de signer le bail agricole avec son propriétaire, l’association des Coqs Rouges (auquel il loue déjà à proximité 4 ha de vignes en appellation Pessac-Léognan).

Des abattages qui ne passent pas pour Frédéric Chassagne, le directeur du lycée catholique voisin de la Sauque, dont les élèves utilisaient précédemment ce terrain, mais qui a été retiré du bail commercial établi entre l’établissement scolaire et l’association des Coqs Rouges. Allant jusqu’à faire barrage avec sa voiture et un tracteur ce vendredi matin, Frédéric Chassagne sollicite les maires jusqu’à bloquer les travaux, arrêtés par la gendarmerie sur l’ordre la préfecture. « Cette parcelle est classée espace naturel à protéger, l’autorisation de défrichage aurait dû être demandée avant » estime le directeur historique de l’école, étant en poste depuis une trentaine d’années. « Les plus beaux spécimens sont par terre, pour toujours : 70 arbres abattus, dont 40 remarquables » dénonce Frédéric Chassagne s’appuyant sur rapport expert forestier réalisé le 2 avril.

Arbres non notés au plan local d’urbanisme 

 « En bords de la N113, sept arbres centenaires ont été coupés, dont un cèdre » reconnaît pour sa part Dominique Haverlan, qui explique avoir « commencé par couper du bois avant qu’il soit vert. La demande en défrichage sera posée cette semaine. Le statut de zone naturelle protégée n’implique pas d’interdiction dans la coupe d’arbre, mais une inconstructibilité des lieux. Je ne connais pas de texte qui oblige de déclarer la coupe d’arbres non notés au plan local d’urbanisme. » S’estimant dans son bon droit, le vigneron estime que le problème vient de son voisin, qui est en conflit avec son propriétaire, l’association des Coqs Rouges : « leur contentieux me tombe dessus ».

Reconnaissant un froid d’une dizaine d’années avec la direction de cette association, Frédéric Chassagne reproche à son propriétaire une recherche de gain et non de la préservation patrimoniale. Mais le directeur affirme dénoncer la volonté de passage en force « d’un abattage très rapide. En quinze jours le parc aurait été nettoyé et dessouché par des bûcherons expérimentés. Nous aurions retrouvé le terrain labouré. » Reconnaissant n’être qu’un riverain et pas le propriétaire ou le locataire du terrain, le directeur ne veut pas revenir à ses études et humanités afin de « protéger les 350 pensionnaires et 100 enfants de l’école maternelle (les Lucioles) dont les terrains de sport et de délassement sont à proximité ».

Plaintes contre plaintes

Un risque sanitaire est à écarter pour le vigneron, qui relativise la proximité du lycée et de l’école maternelle : « les bâtiments sont à 120-150 mètres de la parcelle. Les vignes vont toucher un bois et des terrains de sport. Je suis ouvert à planter des haies, à traiter en bio et à communiquer nos horaires de traitement comme on le fait déjà avec des riverains » déclare Dominique Haverlan, qui envisage de porter plainte contre Frédéric Chassagne pour l’obstruction à son chantier. Dans ce dossier, les plaintes semblent se multiplier : « les maires de Sain-Médard et d’Ayguemorte veulent porte plainte » affirme Frédéric Chassagne, dont le lycée a déposé une plainte.

Entre les deux opposants, les accusations et contre-arguments forment un ballet sans fin. « Je crois au fond de moi que tout le monde a tort » estime Philibert Perrin, le président du Syndicat Viticole de Pessac-Léognan. Prenant de la hauteur, le représentant de l’AOC juge que « le vigneron est apparemment dans son droit d’exploitant, mais il aurait dû présenter un projet tenant compte du site et de la préservation de certains arbres. Il faut tenir compte du changement des mentalités pour travailler en bonne intelligence. Le maire aurait dû classer la parcelle ou certains arbres du bord de la route. Le voisin en fait une affaire personnelle dans sa dernière année en poste et va au-delà de ses droits. » Après les interpellations de voisins sur les fumées causées cette fin mars par la lutte antigel, le vignoble de Pessac-Léognan espère que la polémique autour de ce parc ne fera pas long feu. Ce qui n’est pas gagné à entendre les parties, prêtes à aller en justice.

Un sequoia et un christ

« Nous ne sommes pas des fous, des sauvages ou des destructeurs de la nature, le procureur dira si l’on a le droit de couper du bois, de défricher et de planter de la vigne à cet endroit » pose Dominique Haverlan, qui souligne être « intervenu auprès du propriétaire pour que l’on sorte du bail un angle de la parcelle où se trouvent un séquoia et un christ ». Un argumentaire qui n’émeur pas Frédéric Chassagne : « Dominique Haverlan n’a pas imaginé que derrière ce parc il touchait une communauté d’anciens élèves et de parents, dont des viticulteurs. Ses enfants ont été chez nous et il se veut bon chrétien avec la protection du calvaire. Mais sans la continuité forestière pour le protéger, le séquoia de 150 ans va mourir. Il a commis une faute légale, il n’en avait pas le droit, et une faute morale, il ne pouvait pas toucher à ce patrimoine. »

Qu’il s’agisse d’arrachage ou d’obstruction, « tout est permis, mais tout n'est pas utile. Tout est permis, mais tout n'édifie pas ».

 

* : « Il s’agit d’abattage d’arbres et non de défrichement, comme il n’y pas eu de changement de la nature du sol » précise Frédéric Chassagne.

 

« Les maires ont dilapidé les surfaces agricoles pour construire des lotissements. Ilse se sentent désormais la fibre écologiste en saisissant le préfet. On récupère les zones en AOC qui restent » tranche Dominique Haverlan.

 

« Nous ne sommes que riverains, nous ne sommes ni propriétaires, ni locataires » reconnaît Frédéric Chassagne

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Tous les commentaires (2)
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ROUAN Le 09 avril 2020 à 08:28:50
Bonjour, C'est donc ça la viticulture ? Détruire des arbres centenaires sur des zones classées ? En plus de disperser des produits dangereux, de créer des nuisances sonores interminables, désormais il s'agit de faire place nette en tapant dans ce patrimoine exceptionnel que sont les arbres à la valeur inestimable. Je fais allusion à l'événement récent sur la commune de Saint Médard. Monsieur Haverlan a littéralement pété les plombs et son geste enfonce encore un peu plus l'image de la viticulture. Je suis désolé de ma virulence mais là on est dans une toute autre dimension. Cordialement, Erwan ROUAN
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vinifera Le 07 avril 2020 à 20:27:29
Je suis viticulteur mais je trouve lamentable qu'à l'heure où le vin de Bordeaux croule sous les excédents un "collègue " arrache des bois pour planter de la vigne ! On se croirait revenu 25 ans en arrière. Si vous manquez de vin, achetez les vignes déjà plantées. C'est par des pratiques de ce type que le Bordeaux c'est perdu.
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