our le seul mois de décembre, les pertes en valeur sont monumentales : -63% pour les importations de vins rouges français (contre -51% en novembre), -44% pour les blancs (contre -32% en novembre) et -58% pour les rosés (contre -4% en novembre); -44% pour les vins blancs allemands (contre +8% en novembre) ; et -51% pour les vins rouges espagnols (contre -33% en novembre), selon l’analyste américain bw166. Mais ces trois pays ne sont pas les seuls impactés. Selon des données publiées par Vinitaly-Nomisma Wine Monitor, les importations italiennes ont régressé de 7% en valeur en décembre dernier, baisse qui passe à 12% pour les seuls vins tranquilles et qui ne résulte pas directement de la surtaxe, car les vins italiens ne sont pas en ligne de mire. Les enjeux sont majeurs car l’Italie a beaucoup profité de la croissance exponentielle du marché américain au cours de ces dernières années. D’après Wine Intelligence, les ventes de vins italiens aux USA ont plus que doublé depuis le début du siècle, passant de 13 millions de caisses en 2000 à près de 27 millions en 2018. Leur niveau de pénétration est également très important : plus de 60 millions de consommateurs américains, soit les trois-quarts des consommateurs mensuels, ont affirmé avoir bu du vin italien au cours des six derniers mois, toujours selon Wine Intelligence. Pour le directeur de Veronafiere, Giovanni Mantovani, le chaos provoqué par la surtaxe américaine ne profite à personne. « Nous assistons à un marché confus, où initialement les acheteurs se sont précipités pour accumuler des stocks, puis la situation a été marquée par de grandes incertitudes. Or, ce climat ne profite certainement pas au commerce ».
Un impact généralisé parmi les pays producteurs européens pourrait s’expliquer non seulement par l’affaire Airbus, mais également par leur position commune sur la taxe GAFA. Mais qu’en est-il des pays producteurs du Nouveau Monde ? Du côté de l’Australie, les données annuelles publiées récemment par Wine Australia montrent que les exportations de vins australiens vers les Etats-Unis ont décliné en volume et en valeur l’an dernier. Il n’en est pas de même pour la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud et le Chili. Toujours selon les données de Vinitaly-Nomisma, les importations de vins néo-zélandais et chiliens en décembre dernier aux Etats-Unis ont fait un bond de 40% et de 53% respectivement en valeur. L’Association américaine des économistes du vin révèle que les importations de vins sud-africains ont augmenté de 16,4% au cours des douze mois se terminant en novembre-décembre 2019. Mais dans les trois cas, d’autres moteurs de croissance sont sans doute à l’œuvre. Il ne s’agirait donc pas de la simple substitution des vins européens, d’autant plus que les opérateurs, européens et américains, ont tout fait pour limiter l’impact sur les prix au détail. Après avoir misé fortement sur le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande a beaucoup investi sur le marché américain ces dernières années, à telle enseigne que ce dernier représente désormais un tiers de ses exportations en valeur. Le Chili, de son côté, a pu proposer des prix très compétitifs l’an dernier. Résultat : ses exportations en vrac aux USA ont fait un bond de 52% en volume et de 31% en valeur selon Ciatti.
L’Afrique du Sud, quant à elle, part d’un niveau relativement bas et sa progression résulterait davantage d’une progression naturelle, soutenue par des efforts de marketing, que d’une réaction aux tarifs douaniers sur des vins européens. « Comme l'ont déclaré ces dernières semaines un certain nombre d’observateurs influents du secteur du vin américain, toute la chaîne d'approvisionnement du vin aux États-Unis va pâtir du chaos, les distributeurs et les importateurs étant confrontés à des problèmes majeurs de stocks invendus et de pertes de recettes. Sur le long terme, les entreprises s'adapteront, mais il n'y aura pas de véritables gagnants », conclut Richard Halstead de Wine Intelligence. Sauf, peut-être, les « hard seltzer » et autres bières artisanales, sans parler du cannabis…