imant provoquer, le professeur d’économie Jean-Marie Cardebat (Université de Bordeaux) n’a pas manqué son effet lors de la matinée dédiée au business model du vin organisé par le cluster Inno’Vin (ce 21 octobre à Bordeaux Science Agro). Pour résoudre la crise commerciale qui touche des pans du vignoble français, « les vins doivent-ils continuer à indiquer leurs millésimes ? Ce n’est pas obligatoire et cela permet de lisser l’approvisionnement et d’éviter les mauvaises réputations de certaines années » lance le chercheur. Soulignant que si cette approche peut sembler iconoclaste, elle est déjà appliquée avec succès : « en Champagne, le vignoble vendange toutes les années de bons millésimes et ne les marque pas sur leurs bouteilles. L’année n’est marquée que pour un millésime excellent et ça fonctionne. »
Ayant exposé récemment cette proposition sur le site participatif The Conversation, le professeur d'économie estime que « le consommateur s’adapterait vraisemblablement et la gestion des stocks serait largement facilitée évitant des creux de trésorerie délétères pour les producteurs et des mouvements de vente brutaux pouvant déstabiliser les marchés » suite à des aléas climatiques (coulure, gel, grêle, sécheresse…). Si la filière viticole bénéficie de la règle des 85/15 (revendication d’un millésime s’il constitue au moins 85 % du vin assemblé) et voit s’implanter les Volumes Complémentaires Individuels (VCI permettant de mettre en stock des volumes dépassant le rendement annuel), les enjeux de volatilité des rendements affectent les marchés reconnaissent les participants de cette matinée. Certains étant séduits par les propositions de Jean-Marie Cardebat, d’autres restant sceptiques face à sa volonté de dynamiter les AOC.


« Une notion de corrélation n’implique pas une causalité. Mais le nombre d’appellations d’origine d’un pays viticole est corrélé négativement à son pourcentage d’exportation (volumes exportés/volumes produits) » pointe le chercheur bordelais. « Cela ne répond à aucune question, mais cela les ouvre : et s’il y avait trop d’AOC ? » ajoute-t-il malicieusement, soulignant que la lisibilité de l’offre AOC française pose actuellement des problèmes aux consommateurs du grand export.
Mais il ne faut pas être manichéen reconnaît Jean-Marie Cardebat, pointant que l’expédition de vin au lointain n’est pas une clé de succès. Parfait contre-exemple, « la Suisse a un modèle tourné vers l’autoconsommation. Ses exportations sont faibles et sa compétitivité est faible à l’international. Son modèle de production locale pour une consommation locale pourrait préfigurer le modèle viticole de demain. Reposant sur la vente directe et l’œnotourisme » conclut, consensuellement, le chercheur.