Il est rare que des contribuables demandent le maintien d’une taxe ! » ne peut s’empêcher de s’exclamer le député parisien Éric Woerth, présidant la commission des finances, étudiant ce 9 octobre le projet de loi de Finances 2020. Rejetés par le gouvernement, cinq amendements identiques demandent en effet de maintenir la taxe sur les signes officiels de qualité et d’origine au bénéfice de l’Institut national de la qualité et de l’origine (INAO).
Représentant quinze centimes par hectolitres de vin d’appellation (AOP) et 3 cts €/hl de vin de pays (IGP), cette taxe représente pour l’ensemble des produits suivis par l’INAO une somme de 7,5 millions d’euros, soit 30 % de ses fonds annuels (24,4 millions €). Mais « aucun des contribuables qui paient cette taxe affectée n’a demandé sa suppression » clame en commission la députée champenoise Lise Magnier. « Cette taxe finance tous les travaux internes à l’INAO, en liaison avec les diverses professions, pour créer les cahiers des charges des différentes appellations. Il est tout à fait normal que les professionnels concernés paient pour cela » renchérit le député champenois Charles de Courson.
Le gouvernement souhaitant supprimer les taxes à faible rendement (recettes annuelles inférieures à 150 millions €), le député alpin Joël Giraud, rapporteur général du projet de loi, défend la mise en place de mesures de compensation : le ministère de l’Agriculture augmentant pour 2020 sa dotation à l’INAO du montant de la taxe supprimée : 7,5 millions €. « Il est vrai que le ministère de l’agriculture a prévu de compenser la suppression de cette taxe par une dotation budgétaire, mais qui dit dotation dit coupe possible » rétorque la députée tarnaise Marie-Christine Verdier-Jouclas. L’engagement financier de l’Etat n’est en effet assuré que pour le budget 2020, ce qui laisse en suspens le financement et la gouvernance de l’INAO pour l’avenir. « Quel avenir prévoit-on pour l’INAO ? Cet organisme sera-t-il placé sous la tutelle d’un ministère ? » pose la députée jurassienne Marie-Christine Dalloz, défendant autant les filières vinicoles que fromagères.


Partagées par les agents de l’INAO et la filière vin, ces interrogations militent pour un maintien de la taxe sur les produits sous signes de qualité. « L’INAO est un organisme atypique dans le droit administratif. Son pouvoir de proposition des professionnels au ministère de l’Agriculture est précieux. Les filières le préservent jalousement et ne veulent pas de risques sur sa gouvernance » précise à Vitisphere Eric Tesson, le directeur de la CNAOC. Qui confirme qu’ « il n’est pas dans notre ADN de faire du lobbying pour payer plus d’impôts… Mais il ne s’agit pas de demander le maintien d’une taxe, mais d’obtenir des garanties de financement et de fonctionnement. »
Le projet de loi de finances est actuellement étudié en première lecture à l’Assemblée Nationale.
A noter pour la CNAOC un autre combat fiscal : le rétablissement de l’exonération de l’Impôt sur les Sociétés pour les activités lucratives des syndicats en général, et des syndicats viticoles en particuliers. Adopté lors des débats sur la précédente loi de Finance, ce dispositif a été visé par trois amendements qui ont été rejetés en commission par le gouvernement ce 9 octobre. Pour la CNAOC, l’enjeu de cette exonération est moins financier (la niche représentant de petites sommes) que comptables (coûts supplémentaires en expertise comptable pour se conforme à l’IS).