Notre AOC Cognac n’était pas valorisée. Cette fois nous entrons dans une vraie reconnaissance » : Yannick Lagrenaudie, maire de Saint-Aulaye, 1500 habitants, en Dordogne, ne boude pas son plaisir. Le 16 mai prochain, il fera déguster aux institutionnels, représentants du tourisme, medias, le premier cognac mono cru issu des vignes communales, lancé par la maison Camus. De fait, Saint-Aulaye et quatre autres communes (Laroche-Chalais, Parcoul, Chenaud, Puymangou) sont assises sur l’appellation Cognac, et ce depuis 1909.
Dans les années 90, la crise du cognac frappe fort la trentaine de viticulteurs qui exploitent 70 ha sur les cinq communes. Les primes à l’arrachage font des adeptes. Résultat : aujourd’hui les viticulteurs se comptent sur les doigts d’une main. Seuls quatre d’entre eux travaillent 12 hectares dédiés au Cognac, répartis en crus Bois à terroir et en Bons bois. Pour ne pas voir disparaitre l’appellation, le prédécesseur de Yannick Lagrenaudie, fait l’acquisition en 1999 de 1,5 ha de vignes, cépage colombard. Le fermage est confié à un viticulteur, Claude Rouzeau, chargé d’entretenir les vignes et d’élever le vin issu de ces parcelles. Le cognac produit, part en coopérative.
Devenu maire, Yannick Lagrenaudie, s’interroge : comment faire sortir du lot et valoriser ce cognac qui ne bénéficie d’aucune visibilité ? « Il fallait que l’on trouve une maison de cognac intéressée par la richesse de nos terroirs et par notre combat qui était de sauver les dernières vignes de Dordogne » indique-t-il. En 2014, il rencontre au salon Vinexpo, Cyril Camus, qui préside aux destinées de la maison de cognac du même nom (un CA de 100 M€, 97% export), la seule grande maison indépendante depuis 1863. Cyril Camus a-t-il été sensible à la préservation du patrimoine viticole de Saint-Aulaye à l’extrême limite de l’AOC cognac ? En tout cas, un accord de collaboration exclusif est signé avec la mairie.
Fabien, le fils de Claude Rouzeau, qui a repris la propriété familiale, vinifie les 1, 5 ha de vignes. Les vins issus de la récolte 2015 ont été distillés avec leurs lies dans de petits alambics en cuivre de 2500 litres, au sein de la distillerie de Camus. Au printemps 2016, l’eau de vie est de retour à Saint-Aulaye, dans une des tours du château pour un vieillissement dans des fûts de chêne issus de la forêt de la Double. Un second vieillissement est effectué dans des fûts de 225 litres ayant contenu du Monbazillac. De quoi donner des arômes d’oranges confites et de fruits secs.
Fabien Rouzeau est fier du résultat : « Il s’agit d’un cognac mono cru, millésime 2015, numéroté, un seul cépage à savoir le colombard, une seule exploitation » indique-t-il. Sur l’étiquette, couleur jaune or qui rappelle la robe du Monbazillac, figure le dessin du château de Saint-Aulaye, qui date du XI e siècle. Au bas de l’étiquette, la mention « Monbazillac cask finish ». Une petite collerette devrait expliquer la démarche entreprise par la commune. 3000 bouteilles par an, numérotées vont être commercialisées en ligne et en Europe. Prix de vente 55 euros. La commune devrait percevoir « une petite marge » sur les ventes selon Yannick Lagrenaudie. Ce dernier entend bien développer l’AOC Cognac sur son territoire. Début mai, 50 ares ont été plantées, toujours un cépage colombard. « Nous voulons donner envie aux jeunes agriculteurs de produire ici, un cognac atypique « confie-t-il.