’annonce n’a pas suscité un cri, qu’il soit de stupéfaction ou désapprobation, mais un murmure de frisson dans l’audience de viticulteurs charentais réunis ce 24 avril à l’espace 3 000 de Cognac. « En 2028, il y aura 0 % d’herbicides dans l’ensemble du bassin de nos partenaires » annonce Florent Morillon, le directeur amont de la maison Hennessy, lors de la troisième rencontre du négociant avec ses partenaires du vignoble. Un objectif qui a déclenché une interrogation unanime parmi les viticulteurs : « mais comment va-t-on y arriver ? » Pour se donner les moyens de ses ambitions et rassurer ses 1 600 apporteurs, Hennessy affiche un calendrier d’accompagnement pour implanter des alternatives durables sur les 34 000 hectares de vignes de son bassin d'approvisionnement (soit 45 % du vignoble en AOC Cognac).
En 2022, la totalité des domaines Hennessy montrera l’exemple en se passant d’herbicides (sur 180 hectares de vignoble expérimental). La première maison d’eaux-de-vie charentaises se pose également en soutien au Certificat Environnemental Cognac, avec l’objectif d’engager 100 % de ses apporteurs dans le référentiel en 2021 (conformément à l’objectif de l’interprofession charentaise) et d’atteindre 100 % d’exploitations certifiées en 2025 (l’objectif est de 50 % de certification pour la filière Cognac en 2025).
Pour mobiliser ses apporteurs et atteindre ces objectifs, Hennessy va déployer un plan d’accompagnement à la transition écologique. Dont la clé de voûte est une nouvelle équipe d’experts techniques et administratifs dédiés, afin de proposer un conseil technique adapté à chaque exploitation. Le prochain forum environnemental de la maison Hennessy, ces 13-17 mai, sera ainsi dédié à la question des techniques et innovations de viticulture durable (robots désherbeurs, pulvérisation confinée…).


En se passant de tous les herbicides (y compris le glyphosate), les apporteurs d’Hennessy vont devoir étudier les pratiques d’enherbement et de travaux du sol, qui s’accompagneront inévitablement de surcoûts. Pour financer la transition vers le 0 herbicide, Hennessy rappelle ses dernières valorisations des achats d’eaux-de-vie (+8 % pour les contrats de la récolte 2018). « Ces hausses doivent donner la capacité d’investissement dans la viticulture durable » estime Florent Morillon. Qui confirme l’urgence de cette transition environnementale, pour répondre aux demandes pressantes des marchés.
« Il faut accélérer une dynamique existante. Nous n’avons plus le luxe du temps devant nous. Il n’est pas certain que nous aurons dix ans [pour se passer d’herbicides] » affirme Bernard Peillon, le président de Hennessy (groupe LVMH). Qui souligne qu’« il n’est plus suffisant d’être bientôt la première marque mondiale de spiritueux en valeur*, il faut être la plus responsable ». Véritable préoccupation, les exigences des consommateurs ne se limitent plus à l’image de l’excellence, mais réclament les preuves de la transparence.
« Ne passons pas à côté de ce défi environnemental. Ce serait une impasse. Accélérons le mouvement pour une viticulture écoresponsable » confirme Guillaume Roy, le président de la SICA Bagnolet (800 adhérents, représentant 15 % des approvisionnements de la maison Hennessy). « L’exigence est encore plus forte pour le luxe et le cognac. Nous n’avons pas l’excuse de ne pas avoir les moyens » renchérit Bernard Peillon. Pour qui la transition écologique doit moins être vue comme une contrainte, que comprise comme un tournant inévitable : « il n’y a pas d’autres alternatives » pour répondre aux interrogations des consommateurs.
* : Les cognacs Hennessy devraient détrôner les whiskies Johnny Walker courant 2019 selon les prévisions de LVMH.