En interrogeant 553 consommateurs de vins en septembre 2014, puis 2 083 consommateurs en janvier 2019, Wines Direct – comparateur de prix en ligne – a pu mesurer l’évolution de l’attitude des Britanniques à l’égard des vins français. Et les résultats sont plutôt positifs. Ils montrent que la France a marqué des points notamment en matière de prix et de lisibilité de l’offre. En effet, le pourcentage de consommateurs qui ne boivent pas de vins français parce qu’ils trouvent un meilleur rapport qualité-prix ailleurs ou qu’ils estiment que les étiquettes sont trop complexes a baissé en cinq ans. Pour ce qui est du positionnement prix, cette évolution s’explique en partie par la premiumisation globale du marché, orientation qui s’inscrit elle-même dans une tendance à boire moins mais mieux. Le pourcentage de consommateurs qui achètent uniquement du vin français en promotion est passé de 41% en 2014 à 25% en 2019. De même, en 2014, 54% des personnes interrogées étaient prêtes à consacrer jusqu’à 8£ à l’achat d’une bouteille de vin français ; ce chiffre ne dépasse pas 34% en 2019. Dans le même temps, le nombre de personnes disposées à dépenser entre 8 et 14£ est passé de 35% à 56%, soulignant que les consommateurs acceptent plus volontiers de payer les vins français plus cher en 2019 qu’en 2014.
La teneur en alcool un critère important
En termes de profils de vins, les rosés et effervescents français suivent la courbe ascendante du marché dans sa globalité. Le nombre de personnes disant acheter souvent du rosé français est passé de moins de 5% en 2014 à près de 10% en 2019. Idem pour les effervescents, qui passent d’environ 6% à un peu plus de 10%. Le Champagne a profité de cette tendance pour gagner des points, tandis que les blancs et surtout les rouges en ont subi un impact négatif. La part des rouges a perdu près de 10 points et ne dépasse pas 33% en 2019. Quant aux régions, le Bordelais reste en tête des préférences pour la consommation régulière mais il est désormais talonné par la Champagne suivie de la Bourgogne. L’Alsace a gagné quelques points, tandis que le Beaujolais en a perdu. Sans surprise, le rosé de Provence a enregistré une belle progression, mais des avancées plus surprenantes ont été engrangées par le Picpoul et Sancerre. Le Crémant, aussi, a tiré profit de la mode des bulles. L’achat de vins français est motivé par deux principaux critères, à savoir le goût et le prix, mais leur importance a légèrement baissé au cours des cinq dernières années. En revanche, les consommateurs accordent davantage d’importance à la compréhension de l’étiquette et au design de la bouteille. Enfin, la teneur en alcool est dorénavant jugé aussi importante que les critiques et les accords potentiels avec les mets.
La marque française Lillet un exemple à suivre
Pour Neil Anderson, directeur marketing du géant Kingsland Wines, tout opérateur qui ne tient pas compte de l’accent désormais mis sur la teneur en alcool des produits le fait à ses risques et périls. « 2018 nous a montré que la tendance en faveur des boissons allégées en alcool ou sans alcool n’est pas une mode passagère mais une tendance durable », observe-t-il. D’après une étude universitaire récente, 29% des étudiants âgés de 16 à 24 ans sont désormais abstinents contre 18% en 2005. « Les déclinaisons sans alcool ou faiblement alcoolisées ne sont plus reléguées au niveau 1 du rayon, mais occupent une place de choix », note Neil Anderson, qui y voit plutôt une opportunité pour se mettre au diapason des nouveaux goûts des consommateurs. Stratégies proposées ? Des formats plus petits, allégés en sucre et en calories, et l’ajout d’ingrédients aux bénéfices santé avérés. Et de citer l’exemple des vermouths qui sont en train de regagner leurs lettres de noblesse, grâce à une approche marketing plus fine et l’intégration de plantes médicinales, par exemple. Pour Neil Anderson, l’exemple de l’apéritif bordelais Lillet est éloquent. Outre une présence renforcée sur internet, notamment sur Instagram, et un dialogue étroit noué avec les prescripteurs, la marque propose aussi des idées de service et des recettes et a mis en place une collaboration suivie avec des influenceurs du monde de la mode et de l’art de vivre pour séduire un public plus jeune. Elle organise également des opérations de parrainage et des animations sur le lieu de vente avec l’enseigne de vêtements Topshop. La stratégie a porté ses fruits car la marque a remporté en février le prix Best Brands pour le meilleur taux de croissance, malgré son positionnement prix relativement élevé de 15£. « Cet exemple doit être perçu comme un cri de ralliement pour que les profils de vins traditionnels soient mis au goût du jour », estime le directeur marketing.
Lillet a réussi à se positionner comme un apéritif « lifestyle »
Des créneaux très porteurs à exploiter
Autres opportunités évidentes : la commodité ; une demande d’informations approfondies clairement exprimée par les consommateurs ; et le rôle de plus en plus prépondérant joué par les loisirs à domicile. Dans le premier cas, Neil Anderson conseille aux opérateurs de signaler clairement en rayon les vins qui s’inscrivent dans la tendance « snacking » et de proposer des formats de packaging appropriés. Il estime par ailleurs que les nouvelles technologies, telles la réalité augmentée et les applis, n’ont pas été suffisamment exploitées pour offrir aux consommateurs non seulement des informations détaillées sur le produit, mais également une véritable expérience de consommation. Enfin, l’ère de Netflix et l’évolution des équipements audiovisuels à domicile ouvrent la voie au développement du secteur : « Comment les produits de notre secteur peuvent-ils mieux capitaliser sur cette tendance ? » s’interroge Neil Anderson, pointant là aussi, un vaste gisement de croissance.
La vogue des bulles au Royaume-Uni semble tout sauf éphémère. D’après une analyse que vient de publier The IWSR pour le compte de Vinexpo*, la consommation d’effervescents devrait passer de 14,4 millions de caisses de 9 litres en 2017 à 16,2 millions en 2022. La consommation par habitant devrait atteindre 2,8 litres en 2022 contre 1,8 litre en 2012. Les importations de prosecco seront les grandes bénéficiaires de cette tendance, leur volume devant passer à 11,7 millions de caisses en 2022, au détriment du Champagne, du cava et des vins tranquilles. Néanmoins, les bulles italiennes s’approchant progressivement de leur sommet, elles devraient moins empiéter sur le terrain du Champagne entre 2017 et 2022, estime The IWSR. Les opérateurs de cava, quant à eux, devront être plus patients car d’après ce dernier, la mode des prosecco a modifié profondément les préférences gustatives des consommateurs. Seule une nouvelle génération de consommateurs pourra changer la donne.
* IWSR Drinks Market Analysis.