établir « la consigne aujourd’hui est bien plus compliqué que par le passé » pose Célie Couché, la coordinatrice de Bout’ à Bout’. Fondée à Nantes en 2016, la structure porte un ambitieux projet de déploiement d’une filière de réemploi de bouteilles de vin en Val de Loire. Si les habitudes ont été perdues depuis les années 1960, et la généralisation des emballages jetables, le principe de consigne parle aux consommateurs. Un sondage réalisé auprès de 400 consommateurs ligériens ayant témoigné que 91 % sont favorables à son retour.
Mais pour proposer aux consommateurs ce service de consigne, les producteurs doivent s'adapter au réemploi de leurs bouteilles. Le premier frein concerne l’étiquetage, les formats adhésifs actuels étant difficiles à décoller, il est nécessaire de revenir à un papier collé plus facilement lavable (Bout’ à Bout’ conseille ainsi l’adhésif WLA). Le deuxième frein tient à l’allégement des bouteilles, en partie dû à la fin de la consigne. Il est nécessaire de revenir à des formats plus lourds afin qu’ils soient plus solides, et réutilisables.
Le troisième point clé tient à la logistique de récupération et de nettoyage des bouteilles. Si le vigneron échangeait auparavant ses bouteilles pleines et contre celles vides lors de tournées commerciales. Pour simplifier le système, Bout’ à Bout’ propose une solution clé en main, où le producteur se contente de récupérer ses bouteilles vides et lavées suite à une collecte mutualisée. Le dernier frein concerne la consigne monétaire : le vigneron pouvant faire payer la consigne à son distributeur qui la fait payer au consommateur. Ce dernier la récupérant en ramenant sa bouteille, qui est alors rendue au vigneron. La TVA sur cette consigne étant nulle, le problème de rattrapage fiscal en cas de non-retour des bouteilles peut entraîner des difficultés comptables non négligeables. Pour ne pas complexifier le modèle, ce système n’est pour l’instant pas mis en place, mais un projet de consigne monétaire externalisé est à l'étude.


Une fois ces adaptations réalisées : « c’est simple, ça ne coûte rien ! Pour le même prix, je consomme moins d’eau et moins d’énergie*. Et j’économise quelques centimes, alors que le prix des bouteilles ne cesse d’augmenter » explique Benoît Landron, du domaine bio Landron Chartier (en Muscadet). Faisant depuis un an partie des pionniers de Bout’ à Bout’, le vigneron nantais est convaincu par la pertinence du système. Le logo « ramenez-moi » est affiché sur ses contre-étiquettes pour le marché français, le pictogramme de la start-up pouvant remplacer celui de l’éco-contribution, les bouteilles réemployées en étant dispensées.
Après des études de faisabilité et des tests à petite échelle, Bout’ à Bout’ est désormais en phase de déploiement régional. La start-up propose sept bouteilles pour les cidres, bières, jus de fruit… et vins. Les trois modèles actuellement disponibles sont des déclinaisons colorées (feuilles mortes, antique et transparente) d’une bouteille standard lourde, la Bourgogne tradition (pesant 560 à 580 g selon le fournisseur). Aujourd’hui, Bout’ à Bout’ réunit 22 producteurs (dont 15 brasseurs, 3 viticulteurs, 3 producteurs de jus de fruits et producteur de cidres) et une trentaine de magasins (essentiellement des épiceries, cavistes…).En termes de coût, l’achat de mille bouteilles lavées est de 210 euros les mille (soit 21 centimes par bouteille reconditionnée). Pour les magasins partenaires, la consigne est gratuite, le commerçant s’y retrouvant, au-delà de son engagement dans l’impact écologique, avec un nouveau moyen de fidéliser son client.
Ambitieuse, la start-up compte toucher 200 producteurs fin 2022, représentant 2,5 millions de bouteilles consignées. En 2031, Bout’ à Bout’ vise 600 vignerons professionnels, pour 10 millions de cols (soit 20 % de la production et de la consommation des Pays de la Loire). Dans l’air du temps, d’autres projets de consignes se développent en France : dans le Var (Consignes de Provence) ou dans la Drôme (ma bouteille s’appelle revient) liste Célie Couché, qui précise que Bout’ à Bout’ « n’a pas la volonté de s’étendre nationalement, mais d’aider à développer une approche répondant aux spécificités des territoires. Comme nous sommes les plus avancés, nous allons aider les autres projets à essaimer. » Et leur simplifier le redéveloppement de la consigne.
* : Selon une étude de 2009, la consigne permet de réduire les consommations d’eau de -33 %, d’énergie de 76 % et les émissions de gaz à effet de serre de -79 %.