omme tout drame humain, la liquidation de l’Union des Viticulteurs de Port Sainte Foy et Ponchapt (UVPSF) laisse muet les principaux intéressés : ex-président préférant la discrétion, 14 anciens adhérents passant à autre chose… Il faut dire que l’arrêt d’activité est tombé avec la brutalité d’un couperet planant au-dessus d’une structure en déshérence : la cave coopérative ayant cessé son activité le 15 juillet dernier, suite au jugement de liquidation judiciaire du Tribunal de Grande Instance de Bergerac.
« Nous sommes à la recherche de repreneurs et avons procédé à la résiliation des terres données en fermage à l'ensemble des propriétaires » explique Pascal Pimouguet, le mandataire liquidateur de la cave. Si l’expert judiciaire n’a pas d’estimations définitives des dettes, il souligne qu’aucun plan de relance n’était envisageable au vu du passif de la cave de Port Sainte Foy. D’après les estimations d’un cabinet comptable, ce passif s’élevait en mais à 4,52 millions d’euros, quand l’actif était de 4,85 millions €.
Pour en arriver à l’extrémité de la liquidation, l’UVPSF a vu toutes les autres options échouer. À commencer par une tentative de rapprochement avec l’union coopérative Univitis, qui n’a pas fait long feu. Jugeant ne plus être concernée par le dossier, la direction d’Univitis ne souhaite pas commenter. Suite à cet échec, la cave de Port Sainte Foy s’est déclarée en cessation de paiements, et son redressement judiciaire s’est ouvert le 26 mars dernier.
Au terme d’une période d’observation, un seul repreneur s’est manifesté : le négociant Ampelidae. Ayant le projet de développer un vignoble spécialisé en bio, l’opérateur du val de Loire proposait 642 000 € pour la reprise de l’outil de vinification et du vignoble : soit 200 hectares d’adhérents, 170 ha exploités en fermage et 30 ha en propre (via une SCI et deux SCEA). Mais les dirigeants de l’UVPSF se sont opposés à l’offre (jugée « économiquement insuffisante et imprécise quant aux conditions pratiques de la reprise et aux moyens qui seront mis en place, tandis que les salariés ont exprimé leur mal-être »), tout comme le mandataire judiciaire (pour qui « cela s’apparente à une offre liquidative »).
Face à ces avis défavorables, le TGI de Bergerac a refusé le plan de reprise, déclarant la liquidation judiciaire. Si la majorité des anciens adhérents de l’UVPSF a rejoint les caves d’Alliance Aquitaine et Landerrouat (pour respectivement 70 et 80 ha), le devenir des 30 ha en propre reste en suspens (vignobles des Berneries et du Briat). Ayant déjà dû lutter âprement pour reprendre la cave du Haut-Poitou en 2014, Frédéric Brochet, le fondateur d’Ampelidae, s’est positionné sur ce vignoble. Mais le négociant bio a jeté l’éponge pour ce millésime, soulignant que « les conditions n’étaient pas réunies, économiquement, techniquement et humainement. La volonté manquait, alors que la campagne était avancée. L’outil de vinification perd de la valeur, n’ayant pas été utilisée en 2017*. Des parcelles n’avaient pas été taillées et aucune n’avait été traitée, alors que le mildiou a été très violent… »


Ravagées par le mildiou, les vignes en friche de la cave de Port Sainte Foy ne présentent pas une grappe bonne à vinifier. Anonymement, un voisin des vignes de l’UVPSF souligne que « si cette année ce n’était déjà pas facile pour des vignes bien entretenues d’échapper au mildiou, celles de la cave n’avaient aucune chance de s’en tirer… C’est inquiétant d’avoir un tel réservoir de maladies à proximité, mais surtout attristant de voir ce gâchis. » Face à l’ampleur des dégâts, « il faut considérer qu’il n’y aura pas de vendange cette année » reconnaît le mandataire liquidateur, Pascal Pimouguet.
Alors que la situation économique en Bergeracois reste complexe, la recherche de repreneurs s’annonce ardue pour Éric Chadourne, le président de la Fédération des Vins du Bergeracois. Pour qui la raison de la faillite de l’UVPSF tient au poids financier d’exploitation de son propre vignoble. « La structure de SCEA est trop lourde, ce ne sont pas les mêmes métiers et équilibres économiques qu’avec la coopération » estime-t-il.
Comme le pose le jugement du TGI de Bergerac, l’UVPSF connaissait depuis 2017 des « difficultés liées à une trésorerie dégradée, à cause du portage d’importants stocks par ses soins et du soutien financier apporté par la structure à ses filiales fermières exploitantes. À cela s’est ajoutée une dette bancaire devenue trop lourde. »


Quelle que soit la raison de cette liquidation, le résultat reste le même : « une cave de Dordogne disparaît. Je suis amer, elle est partie en liquidation alors qu’elle avait un plan de reprise intéressant » confie avec regret Jean-Marc Fontaine, le directeur général Unidor, l’un des rares cadres de coopérative bergeracoise à discuter ouvertement d’un sujet encore bien épineux.
* : Les vinifications ayant été réalisées en 2017 par Univitis.