La reconnaissance en maladie professionnelle est un droit, pas une faveur » résume une pancarte brandie ce 7 juin devant la Cour d'Appel de Bordeaux. Soutenu par des activistes bordelais de la cause anti-phyto*, Marie-Lys Bibeyran n’avait pas d’autre revendication à faire valoir lors de son audience devant la Chambre Sociale, qui l’oppose à la Mutualité Sociale Agricole (MSA). « Au bout de six ans de procédures, il est temps que la justice reconnaisse le lien entre la pathologie qui a emporté mon frère, Denis, et ses trente ans d’exposition aux pesticides » s’impatiente l’ouvrière viticole (voir encadré). Soulignant qu’en six ans les rapports sanitaires se sont accumulés et la société civile s’est mobilisée, elle demande à la justice d’envoyer un signal à toute la filière viticole.


« Aujourd’hui, je veux croire que l’élan qui manque à la condamnation de ces pratiques mortifères peut venir de la justice » soutient Marie-Lys Bibeyran. « Les vins de Bordeaux, ceux-là mêmes pour lesquels mon frère est mort pourraient avoir rendez-vous aujourd’hui avec leur avenir ». En demandant depuis 2011 l’établissement post-mortem d’un lien entre exposition aux phytos de son frère et son cholangiocarcinome (cancer des voies biliaires intra-hépatiques), Marie-Lys Bibeyran espère que la justice entérinera plus globalement la dangerosité des pesticides. Permettant de faciliter, pour ne pas dire rendre quasi-automatique, la reconnaissance en maladie professionnelle des cancers viticoles.
Pour sa part, la MSA se base sur les avis de deux Comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (de Bordeaux et Toulouse) pour estimer que les phytos utilisés par Denis Bibeyran ne sont pas cancérigènes, et qu'aucun lien direct ne peut être établi. L'exposition à des produits organochlorés n'ayant pas pu être démontré par la plaignante. « C'est la faille de notre dossier, nous n'avons pas la liste complète des produits utilisés par mon frère » reconnaît Marie-Lys Bibeyran, qui souligne un non-respect du Code Travail.
Faisant suite à un rapport d'expertise médicale demandé il y a deux ans, cette audience ne pourrait être qu'une énième étape dans un dossier lancé en juin 2011. Si le délibéré est attendu pour septembre 2017, « on n'espère pas un rejet, mais sait que la reconnaissance pure et simple est peu probable » rapporte Marie-Lys Bibeyran. « On espère la désignation d'un troisième Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles » glisse-t-elle.
* : À commencer par Valérie Murat, qui attend actuellement la nomination d’un juge d’instruction pour déterminer les responsabilités à l’origine du cancer mortel de son père, James Bernard Murat.
« J’ai beaucoup gagné en changeant d’emploi. Ce qui n’était pas une volonté a été une belle opportunité » sourit Marie-Lys Bibeyran. Employée jusque-là dans un château de l’AOC Listrac-Médoc, elle a été remerciée cet hiver après 9 ans de travaux saisonniers. Mais a depuis été embauchée par une « grande propriété du Médoc, où la biodynamie est une philosophie qui se retrouve dans le respect donné aux employés » glisse l’activiste.