La recommandation d’EPI dédiés et utilisés spécifiquement lors de ces activités [post-application] apparaît pertinente dans certains cas de figure » pose l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (Anses), nuançant immédiatement un avis déjà bien circonspect : « toutefois, les EPI (vêtements et gants) doivent assurer une protection efficace et être adaptés aux activités de rentrée notamment en ce qui concerne le confort en situation d’activité ». Saisie par le ministère de l’Agriculture (voir encadré), l’Anses ne répond pas fermement à la question posée : savoir si la modification des délais de rentrée éviterait le port d’EPI après traitements.
Tout juste mis en ligne, cet avis de l’Anses se résume finalement à une liste de conseils et de points à étudier dans le cadre d’un futur arrêté. Sans qu’aucune position ne soit clairement tranchée. Si ce n’est au détour de la conclusion : « pour l’employeur et le travailleur, le choix et le port d’un EPI doit être le résultat d’une évaluation qui doit tenir compte des informations contenues dans la documentation fournie avec le produit (fiche de données de sécurité, étiquette) et des situations réelles de travail ». Ce qui revient subtilement à laisser aux firmes phytopharmaceutiques la responsabilité de fixer les mesures de sécurité, et aux praticiens du vignoble de les mettre en oeuvre.


Cette lecture suscite une réaction enflammée de la Coordination Rurale. Le syndicat vient d’envoyer une lettre au ministère estimant que « le fait de laisser aux titulaires des Autorisations de Mises sur le Marché (AMM) le choix des EPI et des conditions de leur utilisation, notamment post-traitement, ne peut qu’aboutir à la préconisation systématique d’une protection surdimensionnée [. Et ces décisions seront] très difficilement applicables par le chef d’exploitation, tant pour lui-même que pour ses salariés ». Le syndicat appelle donc le ministère à ne pas suivre l’avis de l’ANSES et à prendre ses responsabilités sur le sujet.
Faisant un grand usage du conditionnel, le rapport de l’Anses déploie une prudence toute scientifique, oscillant prudemment entre le verre à moitié vide et celui à moitié plein. Par exemple, dans le cadre de l’analyse de résultats sur les durées de demi-vie mesurées pour 276 substances* : « le délai de 48 heures entre le traitement et la rentrée permet de limiter l’exposition, néanmoins, même au-delà de ce délai l’exposition des travailleurs ne peut pas être considérée comme systématiquement négligeable. »
Et le rapport n’oublie pas de conseiller d’incontournables études complémentaires : « il peut être constaté que le nombre de données permettant d’estimer les expositions des travailleurs dans le cadre des activités de rentrée est réduit. La mise en place d’études portant spécifiquement sur la phase de rentrée qui permettraient de mieux quantifier l’exposition des travailleurs et le niveau de protection conféré par les EPI est donc prioritaire. »
Ayant tout juste homogénéisé les exigences réglementaires sur les EPI avant et pendant les traitements, le ministère devrait se pencher à la rentrée sur la question des EPI après les applications de pesticides.
* : Données issues de l’USDA ARS pesticides properties database.
En se penchant sur une possible évolution de l’article 3 de l’arrêté du 12 septembre 2006, l’ANSES le reconnaît, elle répond aux inquiétudes du vignoble. Comme elle le rapporte : « la perspective du port d’un EPI après le délai de rentrée est perçue par certains professionnels agricoles, notamment de la filière viticole, comme susceptible de remettre en cause la cohérence des dispositions règlementaires, puisqu’ils considèrent qu’à l’issue de ce délai de rentrée, aucun EPI ne devrait être nécessaire. »
« Les responsable professionnels de la viticulture […] m’ont également indiqué que si pour certains produits [il n’est pas possible de se passer d'EPI après les délais de rentrée], il serait préférable de retirer l’autorisation d’utiliser le produit correspondant en viticulture » ajoute le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, ce 10 mai dans une relance à la précédente saisine de la Direction Générale de l’ALimentation (DGAL), faite ce 26 février. Ces requêtes font suite au projet d’évolution des « responsabilités en matière d’EPI appropriés dans le cadre de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques », qui inquiète le vignoble depuis un an (cliquer ici pour en savoir plus).