our inhiber le développement des brettanomyces, les techniciens ont coutume de préconiser 0,5 mg/L de SO2 actif dans le vin. Selon Cédric Longin, auteur d’une thèse à l’IUVV de Dijon, il faudra affiner ces recommandations en tenant compte de la charge microbienne du vin et des souches qui la composent.
Pour en arriver là, il a étudié l’impact de plusieurs doses de SO2 dans des vins rouges contaminés avec différentes concentrations de bretts. Il a répété l’expérience deux fois : la première avec une souche peu résistante aux sulfites, et la seconde avec une souche plus coriace. Puis, il a analysé les lots à 9 reprises, jusqu’au 50ème jour suivant le sulfitage.
0,5 mg/l de SO2 actif ont suffi à inhiber le développement de la souche la moins résistante durant toute la durée des essais lorsqu’elle a été ensemencée à hauteur de 10^3 ou 10^4 cellules par ml de vin. En revanche, implantée à hauteur de 10^5 cellules par ml, cette souche a survécu à un ajout de 0,5 mg/l de SO2 actif et même à 0,9 mg/l de SO2 actif. Dans ces deux ajouts de SO2, le doctorant trouvé des cellules viables mais non cultivales (VNC) au bout de 15 jours et des cellules cultivables dès 21 jours. Après avoir sulfité à 1,1 mg/l de SO2 actif, il n’a jamais détecté de levures cultivables. En revanche, il a trouvé des VNC au bout de 17 jours d’incubation.
Comme on pouvait s’y attendre, la seconde souche a davantage résisté aux faibles sulfitages. Il a fallu monter à 1,1 mg/l de SO2 actif pour inhiber complètement son développement lorsqu’elle était implantée à des concentrations de 10^3 et 10^4 cellules par ml. Et à 10^5 cellules par ml, le vin a été contaminé au bout de 25 jours. Il faudrait désormais approfondir la connaissance de la résistance aux sulfites des brettanomyces de chaque région. « Les viticulteurs pourront alors mieux raisonner leur sulfitage » explique Cédric Longin.
Les brettanomyces sont dangereuses à plus d’un titre. Fournisseur de bois œnologiques, Vivélys affirme qu’en plus de masquer les arômes et de produire des éthylphénols, elles dégradent certains composés du chêne. Pour le démontrer, son équipe R&D a ensemencé des vins rouges avec 1000 cellules par ml de brettanomyces. Une semaine avant, elle avait ajouté des copeaux à une partie des vins : soit 20 g/l de bois simplement séché (BF), soit de 2 ou 5 g/l de copeaux torréfiés (DC310). Pendant 50 jours, elle a quantifié plusieurs composés aromatiques et dosé les phénols volatils.
Les techniciens ont d’abord remarqué que le bois ne gêne pas beaucoup le développement des levures. Les vins copeautés avec du bois juste séché présentent des populations légèrement plus faibles que les témoins sans copeaux (3 millions de cellules par ml contre 4 millions) mais à ces niveaux de populations, c’est sans conséquences sur les profils sensoriels des vins. Vivélys a obtenu les mêmes résultats avec les copeaux torréfiés.
Ils ont noté une chute drastique du furfural (arôme d’amande grillée) dès que les brettanomyces sont entrées en phase de croissance. Dans toutes les modalités boisées, la molécule a complètement disparu au bout de 40 jours, alors que les vins non contaminés par les brettanomyces en renfermaient 16 mg/l. Comme Vivélys s’est assuré de l’absence d’autres microorganismes cette disparition ne peut être attribuée qu’aux Brett. Autre molécules aux notes torréfiées, le 5-hydroxymethylfurfural a également été dégradé. Comme le furfural, il a disparu alors même que les bretts n’avaient pas encore produit d’éthylphénols. En revanche, ces levures n’ont pas impacté les teneurs en vanilline ni en syringaldehyde (notes boisées, chocolatées). Si elle n’a pas encore balayé toutes les molécules du bois, l’entreprise encourage d’ores et déjà les vignerons à réaliser un dépistage des brettanomyces avant de mettre en place un boisage.
Cédric Longin a profité de sa thèse pour étudier la capacité des bretts en état VNC à produire des éthylphénols. « La littérature donnait jusqu’alors des résultats contradictoires. Pour me faire mon idée, j’ai mesuré les éthyl-4-phénols (E4P) produits par la souche la plus résistante au SO2 ». Dans les vins sulfités à 0,5 et 0,9 mg/l de SO2 actif, les éthylphénols n’ont été produits qu’à partir du moment où des bretts viables et cultivables se sont développées. Pourtant des bretts VNC étaient présentes très tôt. A 1,1 mg/l, aucune brettanomyces cultivable n’a pu être détectée. Cédric Longin n’a identifié que des VNC. Dans ces conditions, le chercheur n’a pu mettre en évidence aucune production d’éthylphénols. Pour lui c’est clair : « pour produire de l’E4P brettanomyces doit être viable ET cultivable ».