ans les chais de la Fleur de Boüard (Lalande de Pomerol), « une personne seule est capable de tout faire. Il n’y a qu’à placer les tuyaux ! » lance le consultant Philippe Nunes (Hubert de Boüard Consulting). Alliant le geste à la parole, il le démontre ce 14 octobre, en réalisant un délestage en un temps record. Le tout est ici réalisé en 30 minutes, quand un ouvrier de chai prend traditionnellement 40 à 60 minutes pour vider une cuve (et encore, à vitesse de pompage maximale), et autant pour réinfecter le jus en fermentation sur le marc.
Depuis l’inauguration de son chai gravitaire en 2012, la propriété déploie une approche gravitaire sur trois étages. Avec un ascenseur reliant le rez-de-chaussée, où arrive la vendange, au premier étage, où sont chargées des cuves tronconiques à la fois inversées et suspendues. « Comme des stalactites » explique Philippe Nunes, qui souligne qu’au-delà de l’esthétique, cette forme se défend oenologiquement. Lors de la phase statique de la fermentation alcoolique, son profil permet d’augmenter la surface d’échange entre le marc et le jus. D’où une extraction plus importante dans la partie solide supérieure. Lors de la phase dynamique de délestage, ce design accentue également le phénomène d’auto-pressurage, par un phénomène de goulot d’étranglement dans le cône. « Si on fait le calcul, on gagne 5 à 7 % de jus de goutte en plus » remarque le consultant.


En pratique, le délestage à la mode gravitaire est d’une simplicité enfantine. Il s’achève comme il débute, par un coup de levier. Le premier vide d’un coup le jus de la cuve en fermentation dans une cuve tampon (placée sous ladite cuve tronconique inversée). Durant généralement quelques dizaines de minutes, ce délestage peut durer quelques heures, mais aussi une nuit (allant jusqu’à un super-délestage). Remontée par ascenseur au premier étage, la cuve tampon est vidée d’un coup dans sa cuve d’origine, le marc semblant bouillonner un instant sous le jeu de pression de cet afflux.
Si le procédé peut sembler aussi brutal que rapide, il s’agit bien d’une pratique raisonnée, diagnostiquée en fonction du profil de dégustation et du potentiel du terroir. « Il n’y a pas de recette, il faut toujours être vigilant » souligne Philippe Nunes. « D’aucuns pensent que le délestage peut être violent, mais en renvoyant l’intégralité du vin d’un coup au cœur du marc, tout est mélangé sans passer par les mêmes réseaux préférentiels de drainage » précise-t-il.
Pour le millésime 2016, le consultant vise un minimum d’une dizaine de délestage par cuve, sachant que le maximum a été atteint en 2014, vinification au cours de laquelle une vingtaine de délestages a été réalisée. Pour les domaines que Philippe Nunes conseille avec le délestage traditionnel, il ne pratique que deux à trois délestage. En termes de dégustations comparatives (réalisées sur les millésimes tests de 2010 et 2011), il apparaît que les extractions sont plus fines, avec des tanins plus suaves et en rien rustiques. « Notre philosophie, c’est de respecter le fruit » conclut Coralie de Boüard (la directrice générale de la Fleur de Boüard), qui fait de l’accessibilité de ses vins un argument commercial supplémentaire.
Dans trente secondes, tout le volume de la cuve tampon sera retourné dans la cave tronconique. D’un simple geste de Philippe Nunes.