ors de l'édition 2016 de Macrowine, à Nyon, en Suisse, les chercheurs en œnologie ont expliqué à une large assemblée comment les stérols, les polyphénols, et même les levures, peuvent être des facteurs limitant des fermentations alcooliques et malolactiques.
Pourquoi la fermentation de certains moûts blancs, pourtant riches en azote, peine à s'achever ? Peut-être parce que les levures manquent de stérols. Cela arrive lorsque le moût a été trop clarifié, en dessous de 50 NTU. « La turbidité est le principal paramètre à contrôler lorsque les teneurs en azote du moût sont hautes. Nous avons remarqué que plus la teneur en stérols est importante, plus les populations de levures sont nombreuses, moins elles produisent d'acide acétique, et plus la fermentation va vite », explique Thomas Ochando, de l'INRA de Montpellier. Son équipe a pris un même moût de champagne, contentant 180 g/l de sucre et 360 mg/l d'azote assimilable. Elle a fait varier ses teneurs en stérols de 1 à 8 mg/l. « A 1 mg/l, 50 millions de levures ont mis 300 heures à achever la fermentation. A 8 mg/l, 120 millions de levures ont mis moitié moins de temps ». En cas de carence, en dessous de 3mg/l de stérols, oxygéner le moût à la fin de la phase de croissance permet aux levures de synthétiser de l'ergostérol et de redémarrer leur activité.
« On sait depuis longtemps que les levures sont capables de capter les polyphénols. On pensait qu'ils se fixaient sur les mannoprotéines, explique Julie Mékoué Nguela, de l'INRA de Montpellier. En fait, c'est très peu le cas. La majorité des polyphénols sont adsorbés par le cytoplasme des levures. » Pour mieux comprendre leur devenir, l'INRA a ensemencé une souche de levure commerciale dans une solution modèle de vin contenant des tannins de pépins et de pellicule de merlot. Grâce à la fluorescence, les chercheurs se sont rendu compte que si les polyphénols peuvent passer dans le cytoplasme des levures mortes, ils peuvent aussi, dans une moindre mesure, être adsorbés par les levures vivantes. En inoculant des moûts avec différentes souches de levures et 2g/l de polyphénols, ils ont en outre remarqué que les tannins réduisent les populations de levures, ainsi que la vitesse maximale de fermentation. « Par exemple, 200 heures après le début de la fermentation, un des moûts dans lequel nous avions rajouté des tanins contenait 90 millions de levures, quand le même moût sans polyphénols en renfermait 120 millions », détaille Julie Mékoué Nguela.
La levure a un rôle facilitateur ou inhibiteur de la fermentation malolactique. L'université de Bourgogne, l'IUVV et Lallemand cherchent à savoir pourquoi. Pour cela, ils ont ensemencé un moût de chardonnay avec trois séries de 15 levures, connues pour leur action positive ou négative. A la fin de la fermentation, ils ont analysé tous les composés présents dans le vin. Dans les moûts fermentés par les levures « positives », les chercheurs ont retrouvé plusieurs composés phénoliques, des carbohydrates, des acides aminés et des peptides, absents des vins ensemencés aves des levures inhibitrices. « Nous avons par exemple découvert de l'acide gluconique », explique Youzhong Liu, de l'Université de Bourgogne. « Nous l'avons rajouté à un vin avant FML et avons effectivement constaté qu'elle s'est achevée plus vite.» Les levures « négatives » se sont quant à elles distinguées par la production de peptides soufrés. A terme, ces recherches aideront les firmes œnologiques à améliorer leurs sélections.