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Levures et fermentations : jusqu'où tout contrôler ?
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Levures et fermentations : jusqu'où tout contrôler ?

Par Vitisphere Le 28 mai 2008
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Levures et fermentations : jusqu'où tout contrôler ?
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a conférence de l'association Vino Latino qui s'est tenue le jeudi 22 mai au Mas de Saporta a réuni de nombreux participants autour du thème : "Les vins naturels, jusqu'où ?" La question de l'usage des levures a fait l'objet de deux interventions remarquées, la première faisant un point sur la réglementation des Levures Sèches Actives (LSA), la seconde apportant un retour d'expérience sur des vinifications effectuées à l'aide de levures indigènes. L'heure d'un petit point d'étape sur la question.

Marie-Madeleine CAILLET, Oenologue Expert OIV : un point sur le cadre réglementaire des Levures Sèches Actives (LSA)

Le cadre reglementaire de l'utilisation des LSA n'est pas directement modifié par le nouvel OCM viticole, c'est son mode d'administration qui est aménagé de façon à faire plus de place aux avis exprimés par l'OIV. Les textes reglementant l'utilisation des LSA sont : - la loi du 29 juin 1907, rédigée conjointement par les spécialistes de la pharmacopée oenologique et ceux de la répression des fraudes. En effet, il s'agissait alors d'interdire les pratiques permettant de recupérer des vins piqués. - Le règlement européen 1493/99 portant organisation commune du marché vitivinicole, adopté en 1999 et dont l'annexe IV dresse la liste des traitements et pratiques oenologiques autorisées au sein de l'Union Européenne. Dans le cadre de l'application de la nouvelle OCM, il est prévu que l'OIV, jusqu'ici instance purement consultative pour la Commission Européenne, verra la valeur de ses avis renforcés et deviendra l'instance de référence de la Commission pour l'ajout et le retrait de pratiques au sein de cette liste. - Le Codex Oenologique International, qui contient une monographie des LSA (avec limites, seuils des contaminants…). Le Codex est en cours de réfection pour inclure des levures jusqu'ici exclues, en particulier les non-saccharomycès ; il est également prévu d'inclure dans la mise à jour la prise en compte de nouveaux contaminants et d'ajuster les seuils de tolérance des contaminants, pour tenir compte de l'évolution de l'état de la science et de la pratique de l'utilisation des levures. Pour Marie-Madeleine Caillet, ce point sur la réglementation a été l'occasion d'alerter les professionnels sur les "peut-mieux-faire" qui caractérisent la sélection et la conservation des LSA. Les LSA actuellement disponibles n'exploitent en effet qu'une infime partie de la bio-diversité des levures alors que des collections entières sont perdues faute de moyen et de volonté pour les conserver.  Dans le cadre d'un débat sur les vins naturels, qui touche tôt ou tard le thème de la biodiversité, il apparaît ainsi très paradoxal d'accuser d'un côté les LSA de nuire à la biodiversité, alors même que la recherche et l'industrie des LSA pourrait explorer la biodiversité des levures utiles de façon beaucoup plus exhaustive. Transformer ce cercle vicieux en cercle vertueux est une question de volonté autant que de moyens, étant donné la richesse de la famille des levures qu'il reste à découvrir et à identifier.

Philippe MATHIAS, Régisseur Château de Pech Latt et vigneron Clos de l'Anhel : retour d'expérience sur vinifications comparées à l'aide de levures indigènes

Philippe Mathias est le régisseur du Château de Pech Latt, domaine de 100 hectares en Corbières, conduit en bio depuis 1991. Il est également vigneron au Clos de l'Anhel, domaine de 9 hectares en AOC Corbières, conduit en biodynamie depuis 2003. A partir de 2003, Philippe Mathias a mené une expérience simultanée de vinification à l'aide des levures indigènes dans les deux domaines, avec des résultats sensiblement différents. Globalement, à part une attaque de brettanomycènes en 2006, soignée par flash-pasteurisation sans trop de mal, le résultat a été très satisfaisant à Pech Latt, même sur des grenaches à 15°. Dans le même temps, même en doublant la dose de souffre utilisée en amont de la fermentation (de 3 à 8g par hl), le vin du Clos de l'Anhel s'est vu mis en danger par des levures produisant de l'acétate d'éthyle ; en 2006, la fermentation malo-lactique a été impossible suite à une dégradation totale de l'acide malique. En 2007, Philippe Mathias a réintroduit les LSA au Clos de l'Anhel et tout s'est bien déroulé, sans sulfitage. A Pech Latt, la même année, il a utilisé les levures indigènes et 3-4g SO2/hl et les fermentations furent parfaites.  

Ni intégriste ni dégoûté de l'indigène, Philippe Mathias regarde en arrière avec la satisfaction d'avoir mené l'expérience à son terme et n'exclue pas de la renouveler. Le choix des levures indigènes est selon lui un gage de caractère et d'authenticité et il n'aurait pas conçu de ne jamais essayer. Au delà de la satisfaction intellectuelle du vigneron, il y a le succès rencontré par l'expérience, à Pech Latt au moins, et la certitude que faire du vin c'est rejeter la standardisation sous toutes ses formes et notamment la standardisation par les défauts. Rien ne ressemble plus à un vin réduit ou marqué par les brettanomycès qu'un autre vin réduit ou marqué par les brettanomycès, quelle que soit la distance qui sépare les vignobles ou le profil aromatique des cépages. Cette standardisation par les défauts est donc, à bien des égards, beaucoup plus dommageable pour le vin que celle que l'on attribue à l'usage de levures sélectionnées ! Pas de complexes, donc à se tourner vers ce soin palliatif lorsque la situation l'exige comme ce fut le cas au Clos de l'Anhel.

Levures indigènes ou levures sélectionnées : l'argumentaire

La question de la standardisation des arômes par l'utilisation des levures sélectionnées aparaît aujourd'hui comme un débat faussé, tant l'offre de levures est importante : il existe sur le marché des levures sélectionnées adaptées à la destination du produit fini (vin tranquille, vin effervescent, distillation), à la typicité de telle ou telle AOC, de tel ou tel cépage, de tel ou tel caractère que l'on veut faire ressortir dans un vin en fonction de son positionnement sur son marché ... A titre d'exemple dans nos pages, visitez le stand du fournisseur Lallemand ou de la Littorale pour apprécier l'impressionnante variété de l'offre sur ce marché. Gardez à l'esprit que d'autres fournisseurs existent et que cette variété est encore appelée à se développer. L'immense famille des levures se prête à ce développement, au sein de et hors de la branche Saccharomycès, comme le rappelle Marie-Madeleine Caillet ; la poursuite de l'identification et de la sélection de levures utiles est d'ailleurs un facteur de protection de la biodiversité puisque des dizaines d'espèces de levures disparaissent chaque jour. Pour certaines variétés, les collections scientifiques de levures pourraient être comparées aux zoos dans lesquels survivent les derniers représentants d'espèces menacées qui continuent à s'y reproduire : bien sûr nous préférerions les savoir dans la nature, mais en attendant l'espèce survit. L'argument de la standardisation aromatique est donc assez contestable à plus d'un titre ; en revanche, il n'est pas d'argument à opposer à l'argument éthique soulevé par Philippe Mathias lorsqu'il évoque la satisfaction intellectuelle du vigneron à produire un vin fermenté à l'aide de levures indigènes. Cette satisfaction correspond à un idéal de production qu'il est difficile et coûteux d'atteindre lorsque toutes les conditions ne s'y prêtent pas ; l'exemple des vinifications de Pech Latt montre que ce n'est pas impossible, au contraire.   Il est également difficile de reprocher à Philippe Mathias de revenir aux levures sélectionnées au Clos de l'Anhel après quatre millésimes éprouvants où des levures qu'il a surnommées Hanseniaspora Paranoiae (on finit par sentir de l'acétate d'éthyle partout...) ont menacé de ruiner tout ou partie de sa récolte, quels que soient les efforts déployés pour les maîtriser.  Dans le cas de fermentations par levures indigènes, le bilan contrainte/satisfaction intellectuelle peut paraître défavorable à cette dernière si l'on considère le coût temps et main d'oeuvre que représentent les contraintes supplémentaires en terme : - d'implantation du levain, jamais certaine - d'incorporation et de reproductibilité des souches : les populations présentes dans tel inoculum ne seront pas constantes en population et en nombre de souches d'un repiquage à l'autre. La maîtrise de l'implantation des souches est également impossible - d'hygiène, il faut parfois doubler les moyens mis en oeuvre pour assurer un plan d'hygiène rigoureux (avec les LSA, il suffit de surveiller le bac de réhydratation...).

 

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