ans la quête œnologique des vins sans sulfites, la découverte de molécules alternatives à l’anhydride sulfureux tient du graal. En la matière, un extrait de stilbènes issus de sarments de vigne donne de bons résultats de protection organoleptique selon la chercheuse Rafaela Raposo, de l’Institut de recherche et d’enseignement agricole de Jerez de la Frontera (Ifapa). Mais ces oligomères de resvératrol sont nettement moins probants après la première année d’embouteillage, nuance son récent article (publié fin novembre 2015, et récemment relevé par le site InfoWine).
Ayant précédemment testé les effets de l’hydroxytyrosol dans les vins*, la scientifique espagnole a vérifié expérimentalement la capacité d’un extrait de stilbènes à remplacer l’anhydride sulfureux (les sulfites, ou SO2). Commercialisé sous la marque Vinéatrol, l’additif œnologique en question est composé d’extrait de bois de taille (pour 29 % des stilbènes), selon un procédé breveté par l’entreprise française Actichem (voir encadré).
Une récolte de 560 kg de raisins de syrah a été séparée en deux lots pour suivre soit des vinifications classiques avec des ajouts de sulfites (à la concentration de 50 mg/l), soit le même itinéraire avec ajout de Vinéatrol (mis en solution à la concentration de 25 mg/l). Au terme des vinifications (fermentations alcoolique et malolactique, puis stabilisation par le froid), ces concentrations ont été rééquilibrées par ajout de SO2 et de Vinéatrol, avant soutirage, filtration et embouteillage. La composition et le profil organoleptique de ces vins sont alors analysés sur le moment, puis au bout de douze mois de conservation en milieu contrôlé (température de 16 °C et hygrométrie de 80 %).
« Dans cette étude, il est démontré que les extraits de sarments de vigne n’affectent pas négativement la composition chimique des vins », pose Rafaela Raposo dans sa conclusion, soulignant de meilleures notes en analyse sensorielle (avec plus d’intensité aromatique, mais aussi plus de couleur). Mais elle alerte qu’« après douze mois en bouteille, les vins traités au Vinéatrol montrent des caractères d’oxydation en terme de couleur et d’analyses sensorielles ». Ce qui pousse la chercheuse à conclure que des recherches supplémentaires sont nécessaires.
À noter qu’à leurs propriétés antioxydantes et antimicrobiennes, les stilbènes présentent également l’avantage d’être des produits non seulement naturels, présents dans les raisins et les vins, mais aussi non allergènes. Au contraire, ce sont des molécules ayant des effets bénéfiques pour la santé des consommateurs. Un argument qui n’est pas sans rappeler la recette innovante du domaine sud-africain Audacia, qui propose de remplacer non seulement les sulfites, mais aussi les copeaux par des branches d’un buisson montagneux, le rooibos (cliquer ici pour en savoir plus).
* : Ses tests sur vins blancs n’ont pas été concluants, la molécule n’ayant pas de pouvoir antioxydants suffisant une fois passée la mise en bouteille (cliquer ici pour accéder à cette autre étude).
Lancé à la fin de l’an 2000, le Vinéatrol est un produit breveté par la société française Actichem. Fabriqué à Montauban, cet extrait de sarment de vigne est pour l’instant un produit complémentaire de sa gamme, plus orientée sur les applications cosmétiques et paramédicales, comme le Resveratrox contre les rides ou le Vinferol pour la perte de poids. La société compte développer ses activités en lançant un laboratoire commun avec l’université de Bordeaux : LabCom StilNov. Inauguré ce 28 juin à l’Institut de la science de la vigne et du vin de Bordeaux, ce laboratoire s’inscrit plus dans une démarche d’économie circulaire : le projet « Vino-Raffinerie » d’Actichem.