Produits phytosanitaires
Bernard Farges aux viticulteurs : « Ayez un comportement citoyen ! »

Derrière le jeu des positions, oppositions et propositions sur l’utilisation des produits phytosanitaires, se dessine l’aspiration partagée de modifier les pratiques. C’est du moins ce qui ressort d’une table ronde organisée en Gironde et associant élus, riverains et viticulteurs.
Il faut dire que l’initiative du débat revient à la rencontre de riverains et d’élus du vignoble, comme l’explique Anne-Laure Fabre-Nadler, la conseillère départementale du canton de Créon, régulièrement interpellée après la diffusion du documentaire de Cash Investigation (en février dernier sur France 2). Mais la filière viticole n’est pas en reste, avec un invité surprise, aussi inattendu que remarqué en cette fin de semaine pluvieuse : Bernard Farges, le président du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux. Bien lui a pris de jouer au vilain petit canard, son nom revenant en boucle dans les échanges (ou le cas échéant celui de l’interprofession qu’il préside).
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Ayant été la cible de nombreuses critiques sur l’hypocrisie girondine face aux pesticides, Bernard Farges a également répliqué que « rarement une omerta aura autant fait parler d’elle ». Pour lui, « il n’y a pas d’omerta, puisque la filière viticole dans son ensemble travaille sur le sujet. Je ne crois pas que l’on puisse dire qu’il y a quinze ou vingt ans, on travaillait comme aujourd’hui. » Et d’appuyer son propos sur la tenue de forums environnementaux annuels depuis 2008, la progressive réduction des doses ou le développement d’outils de modélisation des maladies cryptogamiques…
Egalement accusé d’avoir donné dans l’effet d’annonce en promettant une sortie bordelaise des phytos, Bernard Farges confirme sa position. « Quand nous disons que nous avons pour objectif de les réduire fortement, voire de sortir des pesticides. C’est un fait. Le mouvement est engagé, il sera de plus en plus fort », plaide-t-il, mettant en balance l’obtention de cépages résistants adaptés au climat et au profil organoleptique des vins de Bordeaux.
« Vous nous resservez toujours la même chose », lui rétorque l’activiste Valérie Murat, qui poursuit devant la justice le combat de son défunt père, James Murat, pour trouver les responsabilités de son cancer lié à une exposition à l’arsénite de sodium. « Il faut arrêter de dire non, non, il n’y a pas de problème de pesticides à Bordeaux. Le déni, c’est ne pas vouloir savoir ce que vous savez ! », s’exclame-t-elle, cinglante face à un président du CIVB qui, d’après elle, « fait le jeu des firmes de phytos » (voir encadré).
* A noter qu’au sujet du débat sur la nature des produits viticoles qui ont intoxiqué des élèves au printemps 2014, Bernard Farges estime qu’« il est stérile, et dans les deux sens ».
En guise de petit aperçu du débat cordial, mais viril, de ce vendredi soir pluvieux, voici quelques éléments concernant les Autorisations de Mise en Marché des produits phytopharmaceutiques. Interpellant Bernard Farges, Valérie Murat estime que ce n’est pas parce qu’il y a homologation, qu’il n’y a pas de risque. « Je vais vous parler d’un produit que je connais bien, l’arsénite de sodium. Pendant quarante-deux ans, les autorités ont dit que si le vigneron se protégeait, il n’y aurait pas de problème. Mais dès la première ligne de décret sur retrait de l’arsénite, il est dit que la substance est dangereuse pour la santé des utilisateurs, en dépit des précautions prises lors de son application. » Pour elle, c’est un fait, « le ministère de l’Agriculture n’a pas tenu son rôle de police des pesticides » et ne peut donc servir de « couverture » aux pratiques viticoles actuelles.
Pour Bernard Farges, l’histoire mérite d’être prise avec le recul du terrain : « il n’y avait pas un viticulteur utilisant l’arsénite de sodium qui ne savait pas que ce produit était dangereux ». Et d’affirmer qu’« aujourd’hui, ils savent que les produits utilisés sont dangereux et veillent à prendre des précautions ».