Mon père est parmi les premières victimes de l’arsénite de sodium. Et probablement le premier a s’être saisi de ses droits » souligne, non sans une pointe de fierté, Valérie Murat. Fille du vigneron James Murat, elle se fait un point d’honneur à poursuivre son combat. Avant sa disparition en 2012, le vigneron a fait reconnaître l’origine professionnelle du cancer pulmonaire qui l’a emporté. Désormais, sa fille* se bat pour qu’il soit reconnu victime de l’industrie chimique après quarante-deux ans d’exposition à l'arsénite de sodium. C’est tout l’enjeu de l’audience qui se tient cet après-midi du 15 juin au Tribunal de Grande Instance de Bordeaux.
Posé en août 2013, son recours devant la Commission d'Indemnisation des Victimes d’Infractions se concrétise donc aujourd'hui. Et ce procès n’est que le premier d’une longue série prédit Valérie Murat, qui espère être force d’entraînement et d’information en la matière. Pour l’activiste, « les malades de l’arsénite de sodium sont en train d’émerger maintenant, après des expositions chroniques à petites doses. Pendant des années, on a dit aux vignerons qu’ils étaient protégés dans leurs traitements à l’esca avec les lunettes, masques et autre, alors que c’était faux. »


Pour étayer ses accusations, elle s’appuie sur la note de service de la DGAL de novembre 2001, interdisant l’arsénite de soude et posant d’emblée « que ce produit phytosanitaire, classé parmi les substances cancérigènes, s'avère dangereux pour la santé des utilisateurs en dépit des précautions qui sont prises lors de son application ».
Particulièrement confiante dans l’épaisseur de son dossier et de ses pièces à charge, Valérie Murat axe son discours sur la dangerosité de l’arsénite de sodium, connue par la communauté scientifique, mais improprement signifiée aux vignerons traitant contre l’esca. « Les étiquettes des produits utilisés par mon père étaient erronées et incomplètes » accuse Valérie Murat. « Il y était marqué R40, soit cancérigène probable, alors que CIRC l’avait classé cancérigène avéré et qu’il fallait donc indiquer R45. Il y a eu tromperie sur la nomenclature de l’étiquette ! »
Si l’activiste vise ouvertement les firmes de l’industrie phytopharmaceutique, c’est dans une autre procédure, au pénal, qu’elle compte les convoquer à la barre. En avril 2015, Valérie Murat déposait plainte contre X pour homicide involontaire causé par une exposition aux pesticides. Sont notamment ciblés par sa démarche les metteurs en marché Aventis Cropscience (racheté par Bayer), Calliope (filiale de l’actuel groupe Arysta LifeScience), la Compagnie Méditerranéenne de Produits pour l’Agriculture (intégrée à SBM Développement) et Rhodiagri Littorale (filiale agrochimique de Rhône Poulenc, devenu Sanofi Aventis).
Mais Valérie Murat espère bien que cette procédure s’arrêtera également sur la responsabilité des pouvoirs publics dans le maintien des Autorisations de Mise en Marché. En attendant, « on ne lâche rien. Si l’on n’est pas entendu ici, on le sera en allant plus haut et plus fort. Je suis prête à aller jusqu’à la Cour de Justice Européenne » s’exclame-t-elle avec sa spontanéité militante.
* : Elle est accompagnée par sa mère, Monique Murat, dans ses démarches judiciaires.
Mise à jour du 16 juin : Ouverte à 14 heures ce 15 juin, l'audience de Valérie Murat a été renvoyée sine die, la Commission d'Indemnisation des Victimes d’Infractions a déclaré attendre «
des informations complémentaires sur la procédure pénale contre X pour homicide involontaire déposée le 27 Avril 2015 au TGI de Paris ». Ouverte depuis un an, l'enquête d'instruction serait toujours en cours.