V
igneron dans l’Entre-deux-Mers, James Murat a succombé fin 2012 à un cancer pulmonaire. Son origine a été diagnostiquée comme professionnelle et reliée à son exposition à l’arsénite de sodium durant 42 années d’activité. Sa fille, Valérie Murat, se bat depuis trois ans pour que les risques sanitaires de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques soient connus des opérateurs du vignoble, et que les pratiques s’améliorent en conséquence. Pour ce faire, elle est aujourd’hui sur deux fronts judiciaires, l’un est civil, à Bordeaux, l’autre est pénal, à Paris.
En avril dernier, elle a déposé une plainte contre X au tribunal de grande instance de Paris. C’est la première en France pour un homicide involontaire causé par une exposition viticole aux produits phytos. Le pôle de santé du TGI a ouvert une procédure d’enquête préliminaire en juillet dernier. Confiante dans la poursuite de ce dossier, elle souligne que ce sera l’occasion pour « les responsables de pouvoir s’expliquer. J’ai hâte d’être dans l’enceinte du tribunal et de savoir pourquoi ils ont homologué et commercialisé l’arsénite de sodium dont ils connaissaient pertinemment la toxicité ». Si la plainte est contre X, elle vise d’abord les firmes phytosanitaires et ensuite les services de l’État, impliqués directement dans la mise sur le marché de l’arsénite de soude – autorisation retirée en novembre 2001 pour la France.
En parallèle, son action devant la chambre du tribunal de Bordeaux n’est pas moins importante. Elle l’oppose à la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions qui doit se prononcer sur le statut de victime de James Murat. « Cette procédure va mettre un coup de pied dans la fourmilière des grands vins de Bordeaux », annonce Valérie Murat qui critique « une partie de la profession confite dans le déni, comme si le problème n’existait pas. Cela revient à se tirer une balle dans le pied. Le scandale sanitaire est en route ! »
Si elle reconnaît qu’elle exaspère les acteurs de la filière, elle revendique son statut de fille de vigneron pour déclarer sa flamme au vignoble : « Je tiens à ce que Bordeaux reste un vignoble en pleine activité. Mais il doit passer à la pointe des pratiques alternatives et respectueuses de l’environnement, avec des paysans en bonne santé et cohabitant en bonne intelligence avec leurs riverains. »
Depuis qu’elle est devenue un symbole de la lutte contre les dangers professionnels des phytos, elle reçoit de nombreuses demandes d’information pour entamer des procédures, aussi bien de vignerons que de leurs proches. Lanceuse d’alerte, elle tient à informer les applicateurs de produits phytosanitaires sur leurs droits : « Des paysans sont malades et sont en train de crever dans le silence. Depuis que j’ai déposé ma plainte au pénal, plus personne ne peut dire qu’il n’était pas au courant ».
Pour elle, tout l’enjeu d’avenir reste de faire évoluer les mentalités : « Il faut déconstruire les pratiques et se tourner vers d’autres, plus respectueuses de l’homme et de l’environnement ».
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