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our sa réunion d’information annuelle, ce 30 mars, l’Union générale des viticulteurs pour l’appellation Cognac (UGVC) se concentre de nouveau sur le système des autorisations de plantation, en vigueur depuis le 1er janvier). Mais cette année, il n’est pas question d’en présenter les modalités d’accès. Il s’agit d’en souligner les risques pour le contrôle de la production d’eaux-de-vie charentaises. Et de proposer de placer le vignoble sous AOC, un exercice qui ne demandera pas moins de doigté et de pédagogie. Les craintes d’un accroissement des contraintes réglementaires font grogner une partie de la production, tandis que le négoce s’interroge sur l’avenir de son approvisionnement.
Historiquement sans indication géographique, les vignes produisant les eaux-de-vie de l’AOC Cognac voient désormais leur production régulée comme les moûts et vins à autres débouchés (dont les vins sans indication géographique, VSIG ou vins de France). « Le régime des autorisations de plantation a été conçu pour protéger des risques de détournement et de surproduction les vignobles sous AOC ou IGP. Mais il ne prévoit rien pour les vignobles sans indication géographique », explique Stéphane Roy, le président de l’UGVC, dans son invitation à la mise au courant du 30 mars.
« Cette situation empêche de cloisonner les plantations entre le Cognac et les autres productions, notamment les VSIG servant à d’autres débouchés. Nous ne disposons donc, aujourd’hui, d’aucun moyen pour empêcher des surfaces non-désirées de revenir au Cognac », alerte-t-il. Assurée pour les vins à IG, l’étanchéité pour les vins de base à eaux-de-vie charentaises avec des VSIG inquiète donc l’UGVC. Et les contrats d’engagement à la production de VSIG proposés par le Conseil interprofessionnel des moûts et vins charentais (CIMVC) ne sont pas non plus suffisamment sécurisants.
Second point d’inquiétude pour l’UGVC : un exploitant charentais peut désormais acheter des vignes sans IG dans d’autres régions et envisager leur replantation sur Cognac. « La limite d’une exploitation n’est plus fixée à 70 kilomètres autour de son siège social, mais est portée au territoire français. En poussant la caricature, s’il y avait des VSIG en Guyane, un viticulteur pourrait les acheter, les arracher et les replanter en Charente, puis les affecter au Cognac », explique Alexandre Imbert, le directeur de l’UGVC.
Loin d’être un scénario imaginaire, ce montage aurait déjà été mis en application. « On sait que de telles démarches sont en cours, et il y a déjà eu des signatures dans des vignobles en crise (beaujolais, muscadet…). Ce n’est pas un risque hypothétique », ajoute Alexandre Imbert.
Si le discours des représentants de l’UGVC est rôdé, le débat n’est pas gagné au sein de ses rangs. Des viticulteurs voient, dans la mise en place d’un cahier des charges AOC, l’annonce d’une batterie de nouvelles normes contrôlant la production. La crainte de normes imposées par l’Inao ne s’annonce pas mince à lever, et cette réunion de mise au courant appelle à la rescousse les producteurs d’AOC Pineau des Charentes pour partager leurs retours. Mais, quelle que soit l’intensité des échanges, aucune décision ne doit être prise ce 30 mars.
Alors que le conseil d’administration de l’UGVC s’est positionné pour un passage du vignoble à l’AOC, les discussions continuent au sein du Bureau national interprofessionnel du Cognac. Des représentants du négoce y craignent notamment que le statut d’AOC du vignoble de Cognac ne réduise leur approvisionnement. Les promoteurs du projet restent cependant confiants, espérant lancer les discussions avec le ministère et l’Inao pour l’été. Sauf coup d’accélération, le risque de contournement des contingents serait donc encore d’actualité lors des prochaines négociations du comité de bassin, à l’automne 2016.
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