Revue de presse

Des racines et des ailes

A la charnière d’une année calendaire, que faire ? Regarder dans le rétroviseur ou bien tenter de prédire ce que sera celle qui se présente ? Vitisphere a choisi d’offrir à ses lecteurs les vingt articles du site les plus consultés. Et ce classement révèle lui-même les préoccupations de l’année qui vient de s’écouler, en l’espèce « un goût certain pour les classements ». Marion Ivaldi ose même qualifier cette appétence de « goulue » : « Il y a l’indétrônable podium des vins les plus chers du monde réalisé par le Wine Searcher et repris par Vitisphere. Chaque année, l’information connaît un succès. Mais 2015 le fait monter à la cinquième place du classement ». La journaliste poursuit : « Les hommes qui ont fait cliquer cette année s’appellent Bernard Magrez, Jacky Blot, François Chidaine, Léo Pichon et Stéphane Derenoncourt. Le mélange est plus iconoclaste qu’en 2014 où Robert Parker avait occupé vos souris ». Les esprits des lecteurs de Vitishpere restent aussi marqués par l’attentat contre Charlie Hebod. La liberté d’expression ne se cloisonne pas. Wine Spectator nous rappelle que la vie de l’homme est bornée par la mort. Le magazine américain dresse un mémorial des disparus de la viticulture. Parmi ceux-ci, en France, Christophe Delorme, vigneron de la vallée du Rhône en biodyanmie, Joseph Henriot qui a contribué à la réputation de Veuve Cliquot et à la renaissance du négociant bourguignon Bouchard, la grande dame de Bourgogne Anne-Claude Leflaive.
 

La Libre Belgique prédit que cette année sera celle « du vin en canette et des légumes déshydratés ». « La jeune génération de consommateurs encourage les viticulteurs à dépoussiérer leur image. Avec par exemple le vin en canette, il offre une alternative portable, facile à déguster et à rafraîchir au format compact ». On ne saurait s’en réjouir. Dans le même registre, Rayon Boisson  nous annonce qu’après avoir mis au catalogue de sa foire au vin des grands crus classés, l’enseigne discount Lidl « lance le vin du mois » : « L'enseigne mettra chaque mois en avant une nouvelle découverte, un nouveau producteur et une nouvelle région. Ceci afin de découvrir les régions viticoles françaises en proposant l'accord mets-vins idéal à partager ». Comprenez : Lidl a fait du vin l’une des armes de sa « stratégie globale de valorisation ». Le site Wine Searcher préfère lui sélectionner « trois événements qui n’adviendront pas en 2016 ». Les voici : « Il ne se passera rien aux primeurs de Bordeaux 2015 et ce pourrait être la dernière campagne ». « Ni le Master Sommelier, ni le Master of Wine ne feront des experts inconditionnels car toujours la mystique du vin primera ». « L’obsession du vin et de la santé sombrera dans la nuit des temps (…) On ne s’accrochera plus aux fantastiques découvertes scientifiques auxquelles répondent d’autres fantastiques découvertes. (…) Chacun saura quelle quantité de vin est bonne ou mauvaise pour lui ». Le journaliste britannique Tim Atkin dresse, lui, ce pronostic: « baisse des degrés d’alcool », « généralisation de la publicité sexuée », « encouragement à la contrefaçon des grands crus », et « moins de terroir ». On formulera le vœu qu’il ait tout à fait tort.

Le magazine Bourgogne Aujourd’hui ouvre l’année avec une rencontre entre le réalisateur Cédric Klapisch qui tourne son prochain film, « Le vin et le vent », en Bourgogne et Jean-Marc Roulot, « brillant producteur de grands vins blancs à Meursault, et l’un de ses acteurs ». Le titre lui est venu d’une expression, « des racines et des ailes », « une phrase de la bible qui dit que la seule éducation que l’on peut donner à ses enfants, c’est des racines et des ailes. Le film parle donc d’une forme d’opposition entre le voyage, le mouvement et le terroir, qui est immuable ». Surgissent néanmoins, dans le film comme dans la vie, les investisseurs. A quoi Jean-Marc Roulot répond : « La perte de la propriété est une chose, l’important est de ne pas perdre le pouvoir et le pouvoir n’est pas uniquement lié à la propriété (…) Le savoir-faire bourguignon et le devoir de qualité sont les meilleures réponses à apporter à cette nouvelle configuration économique». Le Figaro met lui en ligne « la première bande-annonce du film du duo grolandais Kervern et Delépine », « comédie douce-amère qui met en scène deux monstres sacrés du cinéma français dans une virée sur la route des vins », Gérard Depardieu et Benoit Poelvoorde. Le film s’annonce selon Dr Vino  comme un « Sideways » à la française, les deux copains étant remplacés par un père et son fils. On est en France. Depardieu y est un peu lui-même et le film, en salle en mars, se nomme, « Saint Amour ». « Il sera intéressant de voir si le film a autant d’impact sur le Beaujolais que Sideways sur Santa Barbara et le pinot », écrit Dr Vino. Gageons que l’imaginaire collectif français fera autre chose de « Saint Amour » qu’une objectivation du vin.