ontrairement aux chais à barriques, qui font la fierté des propriétés, les sacs de copeaux et sachets de staves se font on ne peut plus discrets dans les caves. D’apparence moins noble, ils n’en sont pas moins techniques. Et leurs performances n’ont pas à faire pâlir, estime l’œnologue-conseil Jean-Michel Ferrandez (JMF Conseil). « Mon travail, avec les alternatifs, est de me rapprocher au maximum de l’élevage que l’on peut réaliser en fût neuf. Et on y arrive ! Avec une gestion fine de l’oxygène et l’apport de tannins (des staves ou du commerce), on peut se tromper dans les dégustations ! », avance-t-il, à l'occasion, il est vrai, d'une démonstration organisée par Oak Solutions Group pour sa gamme de staves Evoak.
« On ne cherche pas à remplacer la barrique », temporise Christophe Viguié, le directeur commercial d’Oak Solutions Group. « Nous avons toujours considéré que les bois pour l’œnologie ne s’adressent pas au même type de vins ». Cette précaution posée, Evoak se targue de vingt-cinq ans d’expérience dans le Nouveau Monde*, ce qui lui permet de proposer une large gamme de 70 granulats et staves, pour autant de nuances de chauffe et de profils aromatiques.
La première difficulté reste le choix du profil aromatique des staves. Pour Jean-Michel Ferrandez, l’enjeu est de ne pas faire dans la caricature organoleptique. Il faut éviter de « maquiller comme une call-girl, d'avoir une décoction de vanille ou de planche ». Privilégiant le temps long de contact des staves à la rapidité des copeaux, il mise sur la complémentarité des modes d’élevage. Au château de l’Estang, propriété qu’il conseille en AOC Castillon Côtes de Bordeaux (28,5 hectares pour 130 000 cols/an), il assemble ainsi un tiers de vins élevés en barriques, un tiers avec des staves et un tiers « pur fruit ».
À noter que dans le monde des alternatifs, on ne parle pas, ou très peu, des essences utilisées, contrairement aux barriques classiques. « L’idée de distinguer les chênes français ou américains s’estompe. On va tellement dans les chauffes et la sélection avec les alternatifs que la notion d’essence est galvaudée », juge Christophe Viguié. Employant les alternatifs comme un outil œnologique de précision, l’équipe d’Evoak préconise aux vinificateurs de tester leurs produits sur de petits volumes, afin d'en cerner les effets aromatiques et gustatifs. « L’intérêt de ces essais rapides est d’être suffisamment proche des résultats pour que l’on s’en fasse une idée précise », explique Stéphanie Amour, la responsable marketing pour Oak Solutions Group.
Le dosage de ce boisé alternatif est également au centre des préoccupations œnologiques. Pour des staves de 90 cm de long, Christophe Viguié conseille « une stave par hectolitre, pour un impact maîtrisé. Ce n’est pas une dose étalon, cela dépend du contexte. » Les quantités peuvent varier entre 0,5 et 2 staves/hl, selon Jean-Michel Ferrandez. Le choix de la durée de contact se fait également au cas par cas, selon le profil du millésime et les dégustations. Laissant les staves dans les cuves entre huit et dix mois, l’œnologue conseille, au bout de six mois de contact, de déguster les vins toutes les deux semaines : « pour déceler le pic aromatique et immortaliser l’optimum ».
Si Oak Solutions Group revendique une expérience rassurante dans le monde des alternatifs, ses équipes reconnaissent que leurs cinétiques de transferts aromatiques et leurs effets de protection du vin, notamment contre l’oxydation, sont encore peu connus et nécessitent des recherches. Pour l’heure, ce qui est sûr, c’est le coût de revient de 6 centimes d’euro par bouteille pour une stave utilisée une fois, contre 2 €/col pour une barrique neuve.
* : L’Union européenne a autorisé fin 2005 l’utilisation des alternatifs sur vins finis, ce qui a été étendu en 2009 aux vinifications.
Filiale du groupe américain Cooperage 1912, Oak Solutions Group est basé en Europe sur le site bordelais de Beychac et Caillau qui fait office de plate-forme d’approvisionnement européen et de production de la Tonnellerie Quintessence (filiale Tonnellerie du Monde). Si les chiffres de production et de commercialisation des gammes d’alternatifs Evoak sont confidentiels (qu’il s’agisse des poudres, granulats, copeaux, tank staves…), le groupe produit 30 000 fûts/an pour tonnellerie Quintessence, et aux environs du million de fûts via World Cooperage (qui répond principalement aux demandes de bourbons).