a Commission européenne va publier dans les prochaines semaines le texte autorisant l’utilisation des copeaux de chêne dès les prochaines vendanges. Mais la déception est grande du côté des utilisateurs français qui, depuis plus de 10 ans, pratiquent cette adjonction de copeaux dans le cadre d’expérimentations : l’utilisation la plus intéressante, c’est à dire en cours de fermentation, n’a pas été autorisée. Seule est admise l’addition de copeaux sur vins finis. Une décision bien regrettable quand on connaît l’intérêt d’une intervention au plus tôt sur les moûts. Dans l’attente d’une modification de ce règlement, qui pourrait être revu à l’occasion de la réforme de l’OCM, il sera toutefois possible de recourir à cette pratique dans le cadre d’expérimentations dont les conditions générales de mise en œuvre restent à préciser. De même, la Commission a fixé une granulométrie minimum de 2 mm, interdisant de ce fait les copeaux sous forme de poudre. Le point sur les différents produits disponibles et les diverses possibilités d’intervention.
Les différentes formes de produits- la poudre ou poussière de chêne d'une granulométrie de 0,5 à 1 mm. L'avantage de cette forme est la vitesse de diffusion élevée : une poudre re-largue l'essentiel de ses composés extractibles en 10 à 12 heures. La faible granulométrie permet également d'obtenir une chauffe homogène. En revanche, la poudre apporte moins de complexité que les produits de granulométrie plus élevée. - les copeaux, éclats, granulats, broyats d'une granulométrie de 2 à 20 mm : le mélange de copeaux de chauffe différente permet de se rapprocher de la complexité aromatique de la barrique, avec beaucoup de souplesse. - les planches intérieures ou douelles, « staves », d'une surface de 0,10 m2, ont l'avantage de posséder une large gamme de composés aromatiques. Lors de la chauffe, il existe un gradient de température au sein d'une même planche. C'est le produit qui se rapproche le plus de la barrique.
Raisonner en fonction du profil produitL'utilisation de ces différentes formes de produits est à raisonner en fonction du profil produit qu'on souhaite obtenir. En intervenant au plus tôt, sur moût ou en cours de fermentation, on agit sur la structure en bouche en développant la rondeur, la sucrosité, la densité en milieu de bouche, sans apport de notes boisées. Cette intervention permet également de préserver l'expression du fruit et sa tenue dans le temps, de favoriser la tenue de la couleur des vins rouges. En cas de vendange altérée, l'adjonction de poudre de chêne français le plus tôt possible permet de limiter les phénomènes oxydatifs et de gagner en netteté aromatique. Si l'objectif est de développer un profil fruité, mieux vaut avoir recours à du bois frais ou de chauffe très légère et utiliser de préférence du chêne français. Le chêne américain peut s'envisager en complément par son apport de sucrosité. Selon la Tonnellerie Radoux, qui développe depuis 5 ans une gamme de produits alternatifs à la barrique, il est également intéressant sur certains cépages en blanc (Chardonnay et Sauvignon) pour orienter l'expression variétale. Un essai réalisé à l'échelle industrielle en Languedoc sur Chardonnay avec incorporation de 1,5g/l de granulat américain en chauffe moyenne en début de fermentation alcoolique, a mis nettement en évidence un effet sur le profil aromatique, avec une expression intense d'arômes d'agrumes et de fruits exotiques par rapport au témoin plus fermé, et une meilleure tenue des arômes dans le temps.
Développer un profil boiséSi l'objectif est de développer un profil boisé, l'intervention aura lieu préférentiellement après fermentation. Le choix de la technique appropriée sera fonction de trois critères : - le coût de revient acceptable, qui varie de 1,5 ?/hl pour les copeaux jusqu'à 10 ?/hl pour les staves - la rotation des vins : elle est inférieure à 6 mois pour les poudres, d'environ un an pour les granulats et copeaux et supérieure à un an pour les staves et segments - la durée d'élevage : moins d'une semaine pour les poudres, 3 semaines pour les granulats, 5 à 7 semaines pour les copeaux, de 3 à 6 mois pour les staves et segments Les poudres utilisées après fermentation alcoolique permettent d'obtenir un effet quasi-immédiat. Les doses vont de 0,5 à 4 g/hl, ce dernier dosage étant préconisé dans un objectif d'assemblage. La persistance dans le temps est faible (3 à 6 mois). L'élimination se fait par sédimentation. Les poudres peuvent également être utilisées juste avant la mise en bouteille, en chêne français au dosage de 0,5g/hl pour l'effet tampon oxydo-réducteur. « Pour nos copeaux, dont la taille varie de 7 à 20 mm, nous préconisons une durée de macération de 7 semaines. La libération des composés solubles du bois s'effectue en 2 à 3 semaines, mais il faut ensuite de l'ordre de 4 semaines pour que ces composés soient re-métabolisés par les micro-organismes présents dans le vin, ce qui donne un boisé plus fondu. Pour bénéficier de cet effet, il faut intervenir entre la fermentation alcoolique et la malo-lactique. Plus on intervient tardivement, moins cette transformation des composés du bois est efficiente », explique Stéphane Yerle, de la société Boisé France. Selon Laurent Vives de la tonnellerie Radoux, « de très bons résultats ont été obtenus en assemblant les essences de chêne français et américain. Le chêne américain amène la sucrosité et les notes typées « W-lactones » (noix de coco), le chêne français amène de la structure en bouche et la complexité aromatique ». Les staves sont ceux qui tendent le plus vers des résultats comparables à l'élevage en fût, surtout si on les associe à la micro-oxygénation. Le temps d'élevage est donc bien plus long. Pour obtenir une complexité aromatique intéressante, il est recommandé d'assembler différentes chauffes. Les staves s'utilisent à raison de 3 à 4 staves par hl en rouge, 2,5 à 3,5 en blanc.
Les avis d'utilisateurs :Fabien Gross, acheteur œnologue aux Grands Chais de France : Un apport en trois fois Nous recommandons à nos caves partenaires de travailler en trois étapes : - un apport le plus tôt possible, au conquet ou à la benne, de bois frais français d'une granulométrie la plus faible possible, à une dose de 2g/l - un apport après fermentation alcoolique de bois américain de chauffe légère à raison de 0,8 à 1g/l. Avec cet apport, nous recherchons les notes W-lactones (noix de coco) et la sucrosité apportées par le chêne américain. Il faut réaliser cet apport après fermentation alcoolique car celle-ci dégrade les W-lactones. - Le troisième apport se fait sur vin fini avec des copeaux ou des staves à une dose de 0,5 à 1g/l. Là, nous recherchons les notes vanillées, toastées, qui exhalent le fruit. Guy Sarton du Jonchay, acheteur œnologue aux Chais Beaucairois Du bois frais le plus tôt possible pour l'équilibre en bouche « Pour 80% des vins de notre gamme, nous ne recherchons pas de profil boisé. Nous utilisons les copeaux uniquement pour améliorer l'équilibre en bouche. Pour cela nous recommandons un apport de bois frais français en phase fermentaire, pour avoir de la sucrosité et de la rondeur. Nous utilisons plutôt la forme éclats (5 à 15 mm) à des doses de 3g/l. Sur les blancs notamment, l'intervention en cours de fermentation est importante, car les levures re-métabolisent les molécules qui viennent du bois. Le fondu est bien meilleur. En intervenant après fermentation, on obtient souvent des goûts de planche. Pour obtenir un profil boisé, nous intervenons en début d'élevage, quand la fermentation alcoolique est terminée, avec des bois américains mais plus de bois frais. » David Alcaraz, directeur technique, œnologue de la cave d'Alignan du Vent Un traitement raisonné en fonction du profil de mes produits « Je raisonne l'utilisation des copeaux en fonction du profil produit que je souhaite obtenir. En blanc, pour des vins sur le fruit sans profil boisé, j'utilise du bois frais sous forme de poudre ou de bûchettes (10x 5mm) à petite dose (0,5 à 1,5 g/l) dès que la fermentation est enclenchée. Si je veux un profil boisé, je complète cet apport avec un mélange de bois frais et de chauffe médium toujours en fermentation. Il peut arriver que j'intervienne une troisième fois en cours d'élevage. En rouge, comme nous produisons à la cave des vins très extraits, je ne cherche pas à intervenir sur la structure en bouche de mes entrées de gamme. J'interviens donc uniquement au moment de l'élevage avec un assemblage de bois frais et de chauffe médium +. Pour mes rouges haut de gamme, j'interviens à l'encuvage avec un mélange de bois français ou bois américain, ou un assemblage des deux, en poudre ou en sac. J'utilise des doses de 1 à 3g/l. »