'il n'est pas résigné, le vignoble cognaçais fait face à une fatalité : sur la dernière décennie, l'expression des symptômes foliaires du duo esca/Black Dead Arm n'a cessé de croître. D'après les dernières données de l'Observatoire charentais des maladies du bois*, 12,4 % des ceps suivis présentent en 2014 des signes d'esca/BDA. Sans atteindre le pic de 2012 (12,9 %), cette observation moyenne s'inscrit dans une tendance apparemment irréversible : moins de 4 % des ceps d'ugni blanc exprimaient esca/BDA en 2003-2005, sur les trois dernières années, la barre des 12 % était systématiquement dépassée.
Pour mériter le très peu convoité titre de cépage français le plus sensible aux maladies du bois, l'ugni blanc charentais a non seulement exprimé les symptômes de l'esca/Black Dead Arm, mais également ceux de l'eutypiose. Maladie du bois majeure du début des années 2000, l'eutypiose serait presque occultée avec l'impressionnant développement de l'esca/BDA. Et pourtant, 8 % des ceps suivis en 2014 présentent encore des symptômes d'eutypiose (pour une moyenne triennale 2012-2014 de 11 %). Si l'on est loin des 20 % de moyenne affichés dix ans auparavant, la période 2012-2014 affiche quand même un taux d'expression de 11,5 % (il est vrai amplifié par l'atypique année 2012).
Le pourcentage de ceps morts reste, quant à lui, sur une courbe à lente ascension : de 5 % au début des années 2000 à 7,5 % en 2014. Avec 30 parcelles d'ugni blanc suivies pour 11 726 ceps analysés, ces données doivent cependant être approchées avec précaution, présentant une grande variabilité d'une parcelle à l'autre. En 2014, l'amplitude des symptômes observés est forte : de 0 à 33 % de pieds atteints par l'eutypiose, de 0,4 à 33 % de ceps exprimant l'esca ou le BDA, de 0 à 36 % de pieds morts... Le profil des parcelles étudiées ne permet d'ailleurs pas d'étudier les facteurs responsables de l'évolution de l'expression de ces maladies (climat, mode de conduite...).
Pour expliquer cette transition dans le faciès des maladies du bois, les hypothèses ne manquent pas. Chercheur à Bordeaux (UMR Santé et Agroécologie du Vignoble), Pascal Lecomte liste ainsi les facteurs désormais propices à l'esca ("maladie de faiblesse") : "la diminution des précipitations (l'eutypiose est pluie-dépendante, alors que la sécheresse favorise l'esca), un meilleur respect des conseils de prophylaxie (coupe et brulage), les modes de conduites (taille, mais aussi vigueur des parcelles), la qualité des plants fournis au milieu des années 1990 (quand l'extension des surfaces a dépassé l'offre en pépinières)..."
* : Statistiques publiées dans le premier Bulletin de Santé du Végétal 2015 du vignoble charentais.
[Illustration : Variabilité des symptômes observés en 2014 sur parcelles d'ugni blanc ; BSV Poitou Charente]