Je crois à l'export, et je crois toujours à la Chine » affirme Philippe Dejean, le président de l'Union des Grands Vins Liquoreux de Bordeaux*. Cette foi est cependant mise à rude épreuve par le développement plus lent que prévu de ce marché, qui stagne à la septième place des destinations export des Sweet Bordeaux. « Même si nous avons un succès extraordinaire lors des événements organisés en Asie (avec un tiers des dégustations au dernier Hong-Kong Dine and Wine Festival), nous n'arrivons pas à concrétiser cet engouement par des ventes... » reconnaît Philippe Dejean. Il explique que les liquoreux ne sont pas « aidés par le négoce de Bordeaux, qui ne saisit pas l'opportunité, ni par les distributeurs chinois, qui considèrent que les vins de Bordeaux ne sont que rouges. »
Mais alors que l'ensemble des vins de Bordeaux enregistrent une baisse de leurs ventes à l'export (-9 %), le groupe des liquoreux marque un rebond (+9 %), avec un développement encourageant sur le marché chinois. Un maintien de la croissance qui pourrait témoigner d'un développement des liquoreux sur le long terme, contrairement à l'explosion des grands crus classés bordelais (et son retour de flamme).
« Nous aurions pu progresser plus rapidement » regrette toujours Philippe Dejean, qui souhaite maintenant mobiliser la force de frappe de la place de Bordeaux. Vigneron à Sauternes (château Rabaud-Promis, premier cru classé), il est ainsi mobilisé dans le groupe de travail planchant sur la création d'une structure commune dans son aire d'appellation. Pouvant prendre la forme d'une cave coopérative (si les viticulteurs plébiscitent cette option, à l'étude depuis 2013), un outil commun permettrait d'atteindre une taille critique, pour offrir aux négociants des volumes motivant des retiraisons en vrac (3/5ème des sorties de chai).
D'après les dernières données du Conseil Interprofessionnel des Vins de Bordeaux, 88 000 hectolitres de vins doux de Bordeaux ont été commercialisés en 2014 (+4 %). L'export comptait pour 31 % de ces volumes, pour un chiffre d'affaires de 40,8 millions d'euros (soit une valorisation moyenne de 15,16 €/litre). En volume, le premier marché reste les Pays-Bas (15 % des volumes), suivis par l'Allemagne (14 %), le Royaume-Uni (12 %), les Etats-Unis (8 %), la Belgique (6 %), la Suisse (6 %) et la Chine (6 %). « Les deux premiers marchés présentent un prix moyen départ des exportations proches de 6 €/litre, du fait de leur rôle majeur dans la commercialisation des Graves Supérieures » précise Jean-Philippe Code (directeur du service économique du CIVB), qui ajoute que « le Royaume-Uni, comme les USA ont un positionnement a contrario haut de gamme, lié à un poids majoritaire des Sauternes-Barsac au sein du groupe (prix départ proches de 25 €/litre) ». A noter que si Hong-Kong ne compte que pour 3 % des volumes exportés par les liquoreux bordelais, ce marché concentre 15 % des expéditions en valeur (prix moyen de 88 €/litre).
* : Depuis 2009, onze appellations liquoreuses sont réunies sous la bannière Sweet Bordeaux. Ces 11 AOC sont : Barsac, Bordeaux Supérieur, Cérons, Côtes de Bordeaux Saint-Macaire, Graves Supérieures, Loupiac, Premières Côtes de Bordeaux & Cadillac, Sainte-Croix du Mont, Sainte-Foy Bordeaux et Sauternes.
[Photo : Festival des vins de Chengdu en 2013/Sweet Bordeaux]