acré retournement de situation dans le dossier de plainte enregistrée le 15 juillet dernier au tribunal judiciaire de Perpignan par le négoce coopératif Vica (ex-Vignerons Catalans) pour espionnage industriel ciblant son premier concurrent, le négociant CVR Bourdouil (filiale du groupe la Martiniquaise), en visant son directeur, Bernard Langlois, et sa fille, Caroline Langlois Rambaldi, directrice du développement de Vica licenciée en février dernier (à 6 mois de grossesse pour des motifs qu’elle conteste devant les prud’hommes depuis mars). Alors que la présidence de la Sica Vica-Les vignes du vent vient tout juste de changer à la suite de la démission à effet immédiat de Fabienne Bonet, un communiqué validé par le conseil d’administration de Vica (six caves coopératives du Roussillon pour 1 200 viticulteurs apporteurs*), réuni le 11 décembre, annonce qu’« après étude approfondie du dossier, il s’est avéré que les faits qui avaient été, dans un premier temps perçus comme litigieux, avaient tous été réalisés dans un cadre légal et parfaitement légitime ». Exit les soupçons de transmission d’informations confidentielles de la fille vers son père : « aucune des communications entre Madame Langlois et son père n’étaient de nature à porter un préjudice quelconque à Vica, celle-ci disposait, qui plus est d’une autorisation écrite explicite de sa hiérarchie pour ces échanges » indique le communiqué du négoce coopératif.
Sollicité par Vitisphere, François Capdellayre, le nouveau président de la cave adhérente Dom Brial, précise que dans son contrat de travail « madame Rambaldi disposait de l'autorisation de communiquer établie sous l’ancienne direction de Vica [NDLR : Stéphane Zanella], avec Fabienne Bonet à la présidence ». Non-communiquée pour raisons de confidentialité, cette pièce serait donc une autorisation à échanger librement avec toutes les entreprises clientes de la SICA, dont la société Bourdouil. S’il n’est pas clairement expliqué pourquoi ladite autorisation n’avait pas été prise en compte au moment du licenciement ou de la plainte, Vica précise dans son communiqué que « s’agissant des informations laissant à penser que des offres commerciales d’une société concurrente auraient été faites en connaissance des tarifs pratiqués par Vica, il a été clairement et indiscutablement mis en évidence que ces offres ont été établies en toute loyauté. »
Plus plates excuses
Un dossier qui fait long feu, puis pschit, alors que la direction même de Vica avait confirmé à Vitisphere ce dépôt de plainte cet été. Le conseil d’administration fait marche arrière toute et explique que les visés par cette plainte, « Madame Caroline Langlois Rambaldi et son père, contestant vigoureusement le motif de cette démarche, se sont rapprochés de la plaignante (Vica) afin de lui apporter des informations complémentaires et de clarifier cette situation. A la lumière des documents apportés de part et d’autre, après étude approfondie du dossier, il s’est avéré que les faits qui avaient été, dans un premier temps perçus comme litigieux, avaient tous été réalisés dans un cadre légal et parfaitement légitime ». D’où la décision pour Vica de « retirer sa plainte et de présenter ses excuses à Caroline Langlois Rambaldi, Bernard Langlois, la société Bourdouil et au groupe La Martiniquaise ».
« Les excuses publiques, qui étaient nécessaires, me satisfont, dans la mesure où ça rétablit la réputation de tout le monde » réagit auprès de Vitisphere Bernard Langlois, pour qui le ban est clos dans cette affaire inédite, et « exotique » glisse-t-il. « Vica m’a confirmé que tout "rentre dans l’ordre", ils retirent leur plainte et reconnaissent que le dossier était vide et du coup le conseil d’administration a repris le relais très utilement dans cette affaire » partage-t-il, rapportant que « tout le monde était conscient plus ou moins que le dossier était vide, mais ça n'aboutissait pas et le nouveau conseil d'administration l'a fait aboutir très vite, ce qui est une bonne chose ».
Pour le directeur de Bourdouil, s’il est désormais clos, ce dossier n’était pas anodin pour autant : « ma réputation a été salie, celle de ma fille, celle de mon entreprise. Je ne peux que saluer l'évolution positive et remercier François Capdellayre, nouveau président du conseil d'administration, et les membres du conseil d'administration, pour leur honnêteté intellectuelle et la reconnaissance de tout ça. On va pouvoir se consacrer à la filière, que Bourdouil a toujours soutenu très largement, en particulier les vins doux naturels, c'était d'autant plus compliqué. »
Ni plainte ni partie civile
S'étant engagé à retirer sa plainte, Vica annonce également ne pas se porter partie civile en cas de poursuites par le tribunal. « Ce qui va clore le débat définitivement, n'ayant plus de plaignant, par définition, il ne peut pas y avoir de poursuite » ajoute Bernard Langlois. Concernant l’autre volet judiciaire, la plainte devant les prud’hommes de Caroline Langlois Rambaldi suit son propre cours en l’état actuel des choses. Contactée, cette dernière ne souhaite pas commenter l'affaire. « Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est incertain » note pour sa part Bernard Langlois, relevant qu’« il est plus facile d'envisager quoi que ce soit avec une situation apaisée qu'avec une situation compliquée ». Concernant ce dossier prudhommal, « le devenir est incertain » confirme François Capdellayre, pour qui « il faudra trouver un consensus », sans écarter une indemnisation financière. Concernant de possibles compensations suite à la plainte et à son retrait, François Capdellayre ne donne pas suite.
* : Soit les Vignerons des Côtes d'Agly (Estagel), Vignobles Dom Brial (Baixas), Vignerons de Trémoine (Rasiguères), Vignobles Terrassous (Terrats), Terres Plurielles (Tautavel) et Laure de Nyls (Pollestres).




