Newsletters
Magazine
Coup de tonnerre estival dans le vignoble catalan. D'après les informations qu'a pu recueillir Vitisphere, une plainte simple par voie du palais a été déposée ce 10 juillet par le négoce coopératif Vica Les Vignes du Vent (ex-Vignerons Catalans) pour espionnage industriel de son premier concurrent, le négociant CVR Bourdouil (filiale du groupe la Martiniquaise). Une plainte enregistrée le 15 juillet dernier par le tribunal judiciaire de Perpignan comme le rapportent le parquet et le négoce coopératif. « Nous pouvons confirmer qu’une plainte a été déposée auprès du procureur du tribunal judiciaire de Perpignan à l’encontre d’une ancienne salariée et d’un employé d’une entreprise directement concurrente de VICA. Pour le reste nous laissons la justice faire son travail et espérons qu’elle nous apportera réparation », indique Arnaud Cordier, directeur général de Vica en charge du développement de la société d'intérêt collectif agricole (Sica), à laquelle adhèrent 6 caves coopératives du Roussillon (pour 1 200 viticulteurs apporteurs).
Selon les documents qu’a pu consulter Vitisphere, cette plainte concernerait « des faits de vol de données confidentielles par un salarié dans le cadre de son activité professionnelle et pour des faits de recel de vol de ces données à usage commercial et concurrentiel ». Pour l'heure, le procureur de la République adjoint de Perpignan indique « ne pas être en mesure en l’état de communiquer sur les infractions précisément dénoncées, et les qualifications pénales susceptibles d’être le cas échéant retenues ».
Selon nos informations, cette plainte vise rien moins que le directeur général de la société CVR Bourdouil, Bernard Langlois, filiale du groupe La Martiniquaise et concurrente directe de Vica pour la mise en marché des vins doux naturels. Contacté par Vitisphere, Bernard Langlois affirme « ne pas être informé de ce dépôt de plainte et ce qu’elle contiendrait ». Se réservant la possibilité de recours par voie judiciaire, Bernard Langlois indique ne connaître qu'un seul sujet judiciaire concernant Vica : la procédure de recours prudhommale déclenchée par sa fille, Caroline Langlois Rambaldi, suite à son licenciement en février dernier.
Salariée de Vica pendant 4 ans, d'abord comme responsable d’exploitation prestation de service embouteillage (de janvier 2021 à octobre 2023) puis directrice du développement (depuis juin 2023), comme indiqué dans son profil LinkedIn, Caroline Langlois Rambaldi serait l'ancienne salariée visée par Vica dans cette plainte. Jointe par Vitisphere, Caroline Langlois Rambaldi répond elle aussi « ne pas être informée de cette plainte déposée par Vica » à son encontre. Elle rappelle d’ailleurs avoir été licenciée de Vica début février 2025, « à 6 mois et demi de grossesse », et avoir dans la foulée déposé en mars 2025 un recours prudhommal contestant ce licenciement et ses motifs. Caroline Langlois Rambaldi ajoute se réserver elle-même le recours à la voie judiciaire pour répondre de ces mises en cause.
Dans les faits, une source ayant eu accès aux éléments de l'affaire explique à Vitsphere que la Sica Vica-Les Vignes du Vent, reprocherait aux deux mis en cause un système de partage de données commerciales et institutionnelles internes. Il s'agirait de la transmission d’une quantité importante d'informations sur Vica, potentiellement avec un vol de données informatiques et le recel de celles-ci, via des transmissions de la boîte mail professionnelle de Caroline Langlois Rambaldi vers la boîte mail professionnelle de son père Bernard Langlois. Sur ce point de transfert d'informations par boîtes mails, Bernard Langlois comme sa fille se refusent à tout commentaire et rappellent l'absence totale d'informations relatives à cette plainte.
Informations financières, comptables, commerciales, marketing, stratégiques, et même organisationnelles… Tout y serait passé d'après les échos, à tel point que la même source évoque également « des avantages du comité d’entreprise de Vica dont aurait pu bénéficier Bernard Langlois à titre personnel, comme des achats groupés de fruits et légumes ou des places pour des matches de l’Usap (le club de rugby professionnel de Perpignan, ndlr) ».
Si la plainte évoquerait une pratique de transmission d’informations confidentielles depuis plus de deux ans, les doutes sont nés fin 2024, au hasard d’un concours de circonstances. Reprenant son poste au retour d'un arrêt maladie, un salarié découvre des mails contenant des informations confidentielles sur l’entreprise qui ont été envoyés en son absence depuis son poste et à destination de la boîte mail professionnelle d’une autre salariée : Caroline Langlois Rambaldi. Alertée, la direction de Vica enquête et déroule le fil des échanges de mails de la boîte professionnelle de Caroline Langlois Rambaldi… Auraient été transférés des fiches de vente, articles de presse, éléments RSE, évènementiel, organigramme, commandes, logistique, suivi clients, contrats, fiches de postes, codes clients et produits, procédures, mais aussi prix de revient, étiquettes de vins, tarifs… Plus de deux ans de pièces-jointes et d’échanges quotidiens entre adresses mail professionnelles de la fille et du père auraient été ainsi relevés.
Les entreprises sont pourtant en concurrence directe sur les marchés de distribution de vins doux naturels du Roussillon, la CVR Bourdouil se fournissant largement aussi auprès des caves adhérentes de Vica. Enfin, la même source rapporte que « l’équipe commerciale de Vica s’est étonnée à plusieurs reprises de trouver systématiquement les offres de CVR Bourdouil mieux-disantes sur plusieurs appels d’offres de vins doux naturels, avec chaque fois quelques centimes de moins référence par référence ».
Si le procureur de Perpignan choisissait d’ouvrir une enquête suite à cette plainte sur les qualifications retenues, c’est tout le vignoble roussillonnais qui pourrait se mettre à trembler. Par sa filiale CVR Bourdouil, la Martiniquaise est, avec Vica, le plus important metteur en marché de vins doux du Roussillon (notamment par sa marque de muscat de Rivesaltes Dauré), soit plus d’une dizaine de milliers d’hectolitres de vins doux naturels achetés chaque année, selon différents opérateurs basés dans le Roussillon.
