e coup d’envoi des vendanges a été donné dès la fin août sur les chenins à Chinon, à Vouvray, et sur les sauvignons de Touraine. Une précocité rarement vue, et qui « a pris au dépourvu les vignerons. La concentration en sucres dans les raisins a été rapide, et lorsque les belles maturités sont arrivées, on arrivait vite à 14° », indique Guillaume Guerrand, œnologue à Ax’Vigne sur l’est de l’Indre-et-Loire et le Loir-et-Cher.
Cette année solaire marquée par de pics de températures cet été signe un millésime de grande qualité. « Les sauvignons sont jolis, aromatiques, et les rouges ont pu atteindre des maturités optimales », constate Lionel Gosseaume, président de l’ODG Touraine. « En matière de richesse, d’aromatique et de structure, les gamays et les pinots noirs en particulier sont magnifiques », confie Guillaume Guerrand.


« Avant les malos, les jus étaient déjà agréables à déguster, pas acides, pas amers, avec des notes de fruits mûrs. Nous aurons des vins ronds, soyeux, entre 12° et 14°», déclare Jean-Martin Dutour à Chinon. Du côté de Bourgueil, « les raisins n’ont pas eu de déviations sanitaires, les vignerons ont pu étaler leurs vendanges. Les tanins sont soyeux, la couleur est belle », commente Vincent Delanoue, vice-président de l’ODG. A Saint-Nicolas-de-Bourgueil, à Vouvray, la qualité est également plus qu’au rendez-vous.
Mais côté volumes, les sourires s’effacent. Dans bien des appellations, les pluies tardives n’ont guère permis d’étoffer les rendements en jus. Le manque d’azote assimilable a ralenti ou parfois stoppé des fermentations. Et les beaux raisins portaient parfois des menaces plus graves.


« Leurs peaux étaient chargées en bactéries. Beaucoup de vignerons ont vendangé tard en rouge, et ont rentré des vendanges en surmaturité. Avec des acidités faibles et des pH très élevés, cette année est redoutable en termes de bactéries et de Bretts, signale Philippe Gabillot, œnologue à la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire. Au décuvage, les malos s’étaient souvent déjà faites, avant la mi-octobre ! Et les vins sont fragiles à l’oxydation ». Il le rappelle : « faire des analyses, contrôler le pH est essentiel. Le négoce n’achète pas des vins contaminés par des Bretts ».


Sur Vouvray et les vignobles de Touraine Amboise et de Touraine, Guillaume Guerrand a également constaté « une pression biologique liée à des levures, à beaucoup de bactéries, avec des malos spontanées et précoces, et pas mal de Bretts ». Et face à ces levures qui peuvent provoquer des dégâts fulgurants, « il faut assainir : utiliser du chitosan, filtrer, soutirer… C’est un travail lourd », souligne l’œnologue.
Mais cette année Guillaume Guerrand a une nouvelle carte en main : la levure Level 2 Salva, capable de contrer Brettanomyces en dégradant leur paroi, selon Lallemand qui l’a mise au point. « Nous l’avons utilisé en préventif sur quelques cuves, indique l’œnologue d’Ax’Vigne. A la dégustation, j’ai constaté plus de netteté, de pureté. Elle semble bien fonctionner ». Cette levure est à nouveau testée à Bourgueil cette année par Philippe Gabillot. Ses résultats, qui ne seront pas dévoilés avant plusieurs mois, sont attendus par bien des vignerons du Bourgueillois, de Chinon et d’ailleurs…