Nous devons nous intéresser à tous les outils permettant de stabiliser les cours du vrac et les volumes mis en marché. Ces dernières années, nous avons mis en place du Volume Complémentaire Individuel (VCI), du Volume Substituable Individuel (VSI), des réserves interprofessionnelles. Pour autant, une grosse récolte peut toujours faire décrocher les prix, nous l’avons après celle de 2023. Avec les administrateurs de l’Organisme de Défense et de Gestion (ODG), il nous a donc paru utile d’évoquer la piste de l’Organisation de Producteurs (OP) ». Pour Lionel Gosseaume, président de l’ODG Touraine, il ne faut pas s’interdire de réfléchir sur ce sujet, vivement contesté par les Vignerons indépendants de France, mais prôné par d’autres professionnels de la filière. « Une organisation de producteurs permet de concentrer l’offre pour négocier ensemble avec les acheteurs de façon plus équilibrée, souligne Lionel Gosseaume. Cette démarche n’est actuellement pas autorisée en viticulture. Mais pour notre AOC Touraine blanc, elle serait intéressante, tant l’enjeu de la première mise en marché y est central : plus des deux-tiers des ventes se font au négoce. Le cours du vrac est stratégique, y compris pour les vignerons vendant en direct, il conditionne la bonne santé de notre appellation ».
Lors de l’assemblée générale de l’ODG Touraine en juillet dernier, le vigneron a invité deux amis qu’il a côtoyés à l’école d’ingénieurs Purpan de Toulouse, deux fins connaisseurs des OP : Jacques Crolais, directeur de la coopérative porcine Evel’Up, et Frédéric Legal, patron d’un hyper Leclerc et co-fondateur d’une coop de services chez Leclerc. « Une organisation de producteurs n’est pas forcément une coopérative, un outil de production », a précisé Jacques Crolais. « En tant qu’acheteurs, nous préférons avoir des interlocuteurs costauds, organisés, fiables sur les volumes et la qualité, a expliqué Frédéric Legal. Avec les producteurs de tomates par exemple, nous avons désormais des rapports équilibrés. Une organisation de producteurs offre aux agriculteurs la possibilité de parler collectivement de prix, de dire ‘nous ne vendons pas à ce prix-là’ ».
Doutes et oppositions
Parmi les vignerons et vigneronnes présents à l’assemblée générale de l’ODG Touraine, certains ont semblé dubitatifs. « Comment gérer en OP les spécificités qualitatives des produits ? », s’est interrogé l’un d’eux. « Se réunir n’empêche pas de segmenter et de monter en gamme », a répondu Frédéric Legal. « Quid de l’image de nos vins en OP ? », a questionné un autre vigneron. « Il n’y a pas d’incompatibilité entre l’image et la massification de l’offre, assure Lionel Gosseaume. Nous avons besoin de volumes, mais aussi d’individualités pour mieux faire connaître l’AOC Touraine. On pâtit tous de la fluctuation des cours du vrac. Une OP peut être intéressante pour une création de valeur plus juste entre production et négoce ».


Présidente des Vignerons indépendants du Loir-et-Cher, Laure Dubreuil a fait part dans un communiqué de ses remarques sur les « limites » des organisations de producteurs. Elle évoque un dispositif « pensé pour des filières agricoles standardisés » et non pour le vin, « produit culturel dont la valeur repose largement sur la singularité du vigneron », un « risque de doublon avec le modèle coopératif, déjà fragilisé », une « structuration coûteuse avec un transfert de propriété », générant « un risque important pour nos entreprises, une dépendance à un outil collectif lourd ». Laure Dubreuil pointe également « l’effet pervers » d’aides publiques fléchées vers les OP. Si la vigneronne note que les OP peuvent être « utiles dans certains contextes », elle appelle à « une extrême vigilance », en prônant avant tout « un accompagnement renforcé sur l’autonomie commerciale des vignerons ».
Avec l’accord des adhérents de l’ODG Touraine présents, le président de l’AOC Touraine va sensibiliser les parlementaires locaux à l’enjeu des organisations de producteurs en viticulture, une idée qui creuse son chemin dans la filière, bien au-delà des vignerons coopérateurs. Dans l’immédiat, et pour s’assurer des perspectives de marché aussi optimales que possible dans un contexte pour le moins incertain, alors que la récolte s’annonce maigre, l’ODG Touraine a voté en blanc un rendement maintenu à son niveau de base (65 hl/ha), avec un VCI ou un VSI de 7 hl/ha.