près 4 ans d’analyses de 56 pesticides auprès de 1 946 adultes et 742 enfants dans 265 communes viticoles et non-viticoles pour 11 millions d’euros, l’étude sur l’exposition aux pesticides des riverains de vignobles, PestiRiv, conclut que les populations à proximité de vignes traitées sont plus exposées que les autres, mais qu’il n’y a pas matière à tirer la sonnette d’alarme sanitaire (d’autres études étant nécessaire pour se positionner sur le sujet). Dans le vignoble, il faut « inscrire les utilisations des produits phytopharmaceutiques dans une logique de minimisation et de strict nécessaire » préconisent l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (Anses) et Santé Publique France dans leur avis commun sur PestiRiv. Le roman phyto commence à jaunir...
Oui, on en est encore là : des agences gouvernementales semblent croire que les vignerons traitent par automatisme et confort, sans se poser la question de l'impérieuse nécessité de protéger les rendements (et leur gagne pain), sans se poser la question de l’optimisation des doses (ne serait-ce qu'en début de saison) ou du choix des matières actives les moins pesantes pour l’environnement (et leur santé). « Les pesticides ne sont utilisés que lorsqu’ils sont strictement nécessaires pour protéger la plante face aux maladies et aux parasites » abonde Philippe Pellaton, le président de l’interprofession des vins de la vallée du Rhône (Inter Rhône) dans un communiqué remettant l’église au centre du village. Depuis Paris, il faut croire que le virage agroécologique du vignoble est peu visible (on y estime il est vrai que l’arrêt d’usage des CMR1 tient plus du report que de la réduction des phytos*). On semble ne pas y imaginer non plus la pression économique qui impose des arbitrages sur la protection du vignoble. Faute de trésorerie, même le vigneron le plus conventionnel et le moins sensible aux sujets environnementaux fait bien attention à ne plus sortir son pulvé sans que cela soit impératif. Les fournisseurs ne font plus d’avance et personne ne peut se permettre d’alourdir les coûts de production. Entre les pratiques anciennes et celles modernes, clairement il n'y a pas phyto.
Si les agences affirment « une logique » louable de réduction des usages pour moins exposer les vignerons, ouvriers et riverains aux phytos, encore faudrait-il en donner les moyens aux premiers concernés. Dans les documents présentés, rien n’est précisément indiqué pour encore plus réduire les phytos. Lors de la conférence presse, on évoquait seulement pour l’ANSES le recours à des stations météo… Qui permettent une meilleure connaissance des risque sanitaires, mais même avec une anticipation précise des pluviométries, à un moment donné il faut pouvoir traiter contre le mildiou. Les dernières décisions de l’ANSES sur la forte restriction des solutions cupriques en viticulture ont de quoi inquiéter pour la protection de toutes les vignes, bio comme conventionnelles ont besoin de cuivre. Le poids des maux, le choc des phytos...
Pour aller encore plus loin dans la réduction des pesticides, il y existe bien des leviers d’action : le vignoble est demandeur, mais il faut qu’il puisse se projeter sur de nouveaux outils allant du matériel (y compris le meilleur réglage des pulvés) aux dispositifs physiques (panneaux photovoltaïques, "parapluies" protégeant les vignes...), sans oublier le matériel végétal (avec des variétés résistantes aux maladies cryptogamiques) et la recherche et le développement de nouveaux produits (biocontrôles, mais pas que). Car la promesse politique du "pas d’interdiction sans solution" semble toujours plus théorique que pratique. Quitte à ne laisser comme seule alternative aux vignerons des phytos moins vertueux que ceux retirés. Certes il faut souligner la révision récente des interdictions de traitements viticoles pendant la fleur, un assouplissement qui témoigne d’une écoute de l’administration. Mais globalement l’approche administrative de la protection sanitaire est à la réduction des pesticides par tous les moyens. Qui veut le moins de phyto peut aussi le plus pour aider les vignerons à se passer de pesticides sans trinquer à marge forcée. Pavlovien juger sur place.
* : Concernant la réduction des CMR 1, ce sont des « chiffres qui ne témoignent pas forcément d'une réduction mais plutôt d'un report » entendait-on à l’ANSES lors de la conférence de presse de PestiRiv, où l’on soulignait que « la classe 2 est encore formulée et n'a pas vocation à disparaître. Si la situation devrait s’améliorer sans ces produits cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques, démontrés, avérés, les voies d'exercice de la toxicité des substances ne passent de toute façon pas que par les aspects CMR. Sinon, une fois les CMR retirés, on ne ferait même plus d'évaluation. Or ça nous arrive régulièrement de ne pas autoriser des produits qui ne sont pas CMR 2, mais qui ont quand même des propriétés toxiques qui sont défavorables ».