elon la dernière enquête annuelle de Gallup sur les habitudes de consommation des Américains, une majorité de répondants considère désormais que même une consommation modérée d’alcool nuit à la santé. C’est la première fois que ce basculement s’observe depuis le lancement de ces sondages il y a près de 90 ans. Le contraste avec la période 1974-1981 est saisissant, entre 68 % et 71 % des Américains déclarant alors boire de l’alcool. La tendance est aujourd’hui clairement orientée à la baisse : la part des consommateurs est passée de 62 % en 2023 à 58 % en 2024, puis à seulement 54 % cette année. Gallup attribue ce recul à la diffusion de messages affirmant que toute consommation d’alcool, même limitée, comporte des risques pour la santé, une position qui tranche avec les recommandations passées vantant les vertus potentielles d’une consommation modérée.
Femmes et jeunes en première ligne
Gallup relève que certaines catégories de la population sont particulièrement réceptives aux nouveaux messages sanitaires. La consommation d’alcool recule ainsi plus fortement chez les femmes, dont la proportion de consommatrices a chuté de 11 points depuis 2023 pour atteindre 51 %, contre une baisse de 5 points chez les hommes, désormais à 57 %. Les jeunes apparaissent également en première ligne : si leur consommation était déjà en retrait il y a une décennie, la tendance s’accélère, passant de 59 % en 2023 à 50 % en 2025. Autre enseignement : « La baisse de la consommation d’alcool ne semble pas être corrélée à un basculement des consommateurs vers d’autres substances psychotropes, notamment l’utilisation de la marijuana à des fins récréatives, désormais autorisée dans environ la moitié des Etats américains ». Gallup constate que la consommation de la marijuana est plus importante qu’il y a dix ans, mais s’est stabilisée depuis quatre ans. En revanche, certains observateurs du marché américain soulignent l’impact sur la consommation d’alcool de médicaments antidiabétiques dont l’utilisation a été détournée à des fins d’amaigrissement.
Une consommation en recul sur tous les fronts
Gallup attribue en grande partie la désaffection des Américains pour l’alcool à l’impact des messages sanitaires négatifs. En 2025, 53 % des sondés jugent que boire modérément – soit un à deux verres par jour – est mauvais pour la santé, contre 28 % en 2018, 39 % en 2023 et 45% en 2024. Seuls 6 % estiment qu’une telle consommation est bénéfique, tandis que 37 % la considèrent neutre. Les jeunes se montrent particulièrement critiques : près des deux tiers d’entre eux perçoivent désormais la consommation modérée comme nocive. La baisse concerne non seulement le nombre de consommateurs, mais aussi les quantités consommées. Seuls 24 % déclarent avoir bu un verre dans les dernières 24 heures, et 40 % disent ne pas avoir consommé depuis plus d’une semaine. En moyenne, la consommation hebdomadaire s’élève à 2,8 verres, contre 3,8 l’an dernier, alors que le record historique enregistré par Gallup remonte à 2003 avec 5,1 verres. Côté préférences, la bière reste la boisson préférée, devant les spiritueux (30 %) et le vin (29 %). Ce dernier domine toutefois chez les femmes, tandis que la bière séduit davantage les hommes et les jeunes, moins enclins à choisir le vin.
Un parallèle avec la lutte contre le tabac
La conclusion de Gallup est pour le moins préoccupante pour le secteur : le sondeur note, en effet, que les avertissements sanitaires de type « aucun niveau de consommation d’alcool n’est sûr » ont d’abord trouvé un écho chez les jeunes avant de gagner progressivement les générations plus âgées, socles historiques de la consommation de vin outre-Atlantique. Gallup établit même un parallèle avec l’avertissement formulé dans les années 60 par l’Administrateur de la Santé publique sur le tabac, qui avait marqué le début du recul durable du tabagisme aux Etats-Unis.