ire qu’un millésime est un très grand millésime, « ça fait très Bordelais de le raconter comme ça » s’amuse Simon Blanchard, associé du cabinet Derenoncourt Vignerons Consultants. Mais n’étant pas Bordelais, l’œnologue conseil vendéen n’a pas de mal à l’affirmer : jusqu’ici, le millésime 2025 coche quasiment toutes les cases qualitatives (mais pas quantitatives a priori, à la suite d’une initialisation florale marquée par le pluvieux millésime 2024). S’il faut rester prudent alors que commence un épisode caniculaire pouvant changer la donne, Simon Blanchard confirme les bons points de 2025 : une véraison qualitative et homogène, un arrêt net de la pousse, un chargement rapide de sucres et de polyphénols, un fort différentiel de température entre la nuit et le jour… Mais ce millésime prometteur n’est pas arrivé tout cuit.


S’il a évité les gelées, il est passé par un printemps humide et chaud : « la nouvelle tendance des millésimes océaniques » rapporte Simon Blanchard, et pas qu’à Bordeaux. Ce qui donne en Gironde avec l’inoculum des deux dernières années « une petite bombe à mildiou, qui rend les affaires plus compliquées : c’est parti sur les chapeaux de roue » résume l’œnologue. Après les précipitations exceptionnellement élevées d’avril (souvent plus de 100 mm, contre 60 mm en temps normal), le mois de mai a marqué un brutal passage à une cinétique plutôt chaude et sèche : températures supérieures aux normales et pluviométries inférieures. Une dynamique prometteuse pour Simon Blanchard, qui y voit « une mise au sec tôt. Contrairement à des millésimes où les pluies durent jusqu’à juin, quand il ne pleut plus dès mai les vignes sont habituées à un rythme hydrique en mode marathon. Elles tiennent mieux. Mais ce ne sera pas la même histoire si l’on subit 10 jours à 40°C… »
Si de premières contraintes hydriques se font sentir sur certaines parcelles, le consultant Hubert de Boüard ne s’en formalise pas : « le vignoble est ce qu’il est. Dans les grands millésimes, des zones souffrent un peu, notamment les jeunes vignes, et d’autres résistent », notamment les sols à dominante argileuse. N’empêche que des pluies ciblées, avec de l’eau et sans grêle, seraient les bienvenues : « c’est un très bon millésime qui s’annonce. Il faudrait deux pluies d’août pour faire les volumes, les raisins sont un peu petits » rapporte Christophe Chateau, le directeur de la communication du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB).


« Tout va dépendre de cet été » résume Pascal Boissonneau, le président Syndicat des Vignerons Bio de Nouvelle-Aquitaine, rapportant que les dernières averses sont très hétérogènes à quelques kilomètres : « ceux qui prennent la pluie voient gonfler leurs raisins, les autres passent à côté. Cela peut devenir compliqué s’il n’y a pas de pluie, on pourrait manquer d’eau d’ici la fin de l’été. » Avec la possibilité d’un beau millésime qui suscite déjà l’espoir d’une relance commerciale du négoce, le vigneron de l’Entre-deux-Mers souligne que cela ne peut qu’aider dans la conjoncture commerciale qu’affronte Bordeaux, même si « on ne ressent plus d’effet millésime aujourd’hui. La difficulté économique actuelle n’est pas liée au millésime 2024. Les autres ne se vendent pas plus facilement. Il faut faire attention en tant que filière à ne pas sauter les millésimes en stock qui sont à vendre. Actuellement, le marché est atone, les ventes qui se font n’atteignent ni les volumes ni les valeurs nécessaires. »
Rétablir le marché
Rappelant que des orages de grêle ont ravagé localement des vignobles, David Labat, le président de l’AOC Entre-deux-Mers, espère qu’une belle récolte en qualité (« les cases sont cochées pour un beau millésime ») et correcte en quantité (« pour diminuer le coût de production ») va accompagner la relance commerciale des vins de Bordeaux : « on peut espérer la fin des premiers prix à Bordeaux avec ce que l’on a arraché. Ce sont les acheteurs de prix cassés qui sont à blâmer, ce sont eux qui créent le marché en demandant tel produit à tel prix. Il n’y a pas lieu de faire un prix d’appel en grande consommation sur du vin. C’est une publicité dégradante. Il faut avancer législativement. » Et proposer des produits en phase avec le marché souligne le président de l’Entre-deux-Mers, rapportant d’intéressantes valorisations de la nouvelle appellation rouge.
Qui ne pourrait que s’appuyer sur un grand millésime. Si 2025 continue sur sa lancée, il confirmera que « les millésimes en 5 sont plutôt réussis à Bordeaux » pointe David Labat. « Il y a toujours cette espèce de légende sur les millésimes en cinq » note Simon Blanchard, relevant surtout que l’histoire de 2025 n’est pas finie : « ça peut encore changer, jusque dans la dernière ligne droite. Seuls les crémants seront vendangés en août. Les blancs arriveront début septembre, les rouges ensuite. »