près la semaine d’incertitudes suivant l’annonce ce dimanche 27 juillet de l’accord commercial entre les États-Unis et l’Union Européenne pour éviter une escalade annoncée à 30 % de droits de douane sur les produits européens importés aux États-Unis, Washington annonce imposer dès ce 7 août une taxe de 15 % sur les biens venus d’Europe en général, et les vins et spiritueux en particulier faute d’inclusion dans le premier paquet de biens exemptés (le zéro pour zéro). Il faudrait donc attendre l’aboutissement de négociations, qui sont à la fois en cours et en suspens si l’on en croit les retours de Bruxelles, où l’on veut aussi avancer sur une déclaration commune permettant d’acter le cadre de l’accord commercial. Chaotique, cette nouvelle semaine de flou artistique laisse un sentiment de gueule de bois aux exportateurs de vins et spiritueux.
« En dépit de l'engagement de la Commission européenne et de la France, les vins et spiritueux exportés aux Etats-Unis se voient désormais appliquer un droit de douane de 15 % » regrette dans un communiqué la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux (FEVS). Son président, Gabriel Picard, souligne que « cette décision est un recul supplémentaire dans les relations commerciales bilatérales dans le secteur des vins et spiritueux. L'impact de ce droit sera d'autant plus brutal qu'il va de pair avec le recul du dollar américain depuis le début de l'année ». En réalité, « pour les vins comme pour les spiritueux, la taxe de 15 % pourrait s’élever en réalité à 30 % avec l’effet du taux de change » indique Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer. Pour le premier secrétaire de la FNSEA, cette nouvelle donne commerciale « mettrait en péril des marchés essentiels, notamment aux États-Unis. Avec la FNSEA, nous appelons solennellement la France et la Commission européenne à intensifier les négociations pour obtenir l’exemption avant le 7 août. Il est encore temps d’éviter une décision lourde de conséquences pour nos producteurs, nos entreprises et nos emplois. » Pour l'économie viticole, « les conséquences vont être terribles après des semaines d’incertitude et d’arrêt du commerce depuis des semaines » souligne Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, qui évoque pour le court-terme soit l’arrêt des expéditions, soit une distribution à perte entre 15 % de droits de douane et taux de change défavorable.
La FEVS chiffre à 1 milliard d’euros la perte potentielle de chiffre d’affaires pour la filière française si les droits américains sont appliqués en l’état. « Dans une filière déjà très fragilisée par les sanctions chinoises et un environnement économique très déprimé, une telle baisse des exportations ne manquera pas d'avoir des effets sur les 600 000 emplois directs et indirects de la filière des vins et spiritueux » préviennent les exportateurs, appelant à la poursuite et à la conclusion des négociations pour obtenir l’exemption. « La situation ne peut rester en l'état. Il est vital que la France et l'Union européenne s'engagent activement à nos côtés pour soutenir très concrètement notre filière » martèle le négociant bourguignon Gabriel Picard. « Il faut exploiter ces 6 jours qui arrivent pour obtenir cette exemption totale des vins et spiritueux. Sinon, la France devra refuser de ratifier un accord suicidaire pour un secteur clé » espère Jean-Marie Fabre. Estimant n’avoir « plus de doute que le secteur des vins et spiritueux est la variable d’ajustement de la présidente de la Commission Européenne au profit des industries d’Europe du Nord », le vigneron languedocien appelle la France à protéger concrètement ses vignobles : « on ne peut pas rester dans le déclaratif de moments sombres et néfastes à notre pays. Il faut passer des mots aux actions. Il faut une voix ferme et non négociable. Que la présidente de la Commission Européenne comprenne que pour la France c’est un casus belli qu’il n’y ait pas d’exemption totale pour ses vins et spiritueux. »
« Malgré les espoirs placés dans la négociation transatlantique, aucune décision définitive n’a été annoncée » résume Jérôme Despey, le viticulteur languedocien pointant que « tout doit être fait pour éviter les droits de douanes de 15 % sur les vins, les spiritueux et d’autres produits agricoles européens qui seraient mis en application le 7 août. Si tel n’est pas le cas, je ne peux que faire part de ma vive inquiétude. Une telle mesure constituerait une nouvelle difficulté pour nos filières et nos territoires. Elle fragiliserait des secteurs déjà soumis à de fortes tensions économiques et climatiques. » Par défaut de compétitivité, la fermeture partielle du marché américain ferait basculer d'importants volumes de vin sur d'autres marchés en tension, exacerbant les difficultés commerciales actuelles. Ce qui pousse déjà des représentants des vignobles français et italiens à demander des mesures européennes de soutien à la crise qui pèse et s'exacerbe.