Moi, les arômes, je ne les sens jamais… Mais je sais quel vin j’aime. » Cette remarque est un des classiques que l’on sert au caviste Cyril Coniglio lors des initiations à la dégustation estampillées « sans prise de tête », qu’il organise dans sa boutique à Bourg-lès-Valence, dans la Drôme. Afin de s’assurer que les complexes restent à la porte de ces ateliers, le meilleur caviste de France 2018 se met au niveau des néophytes pour les aider à aimer le vin. Voici ses conseils quand il s’agit de parler à ces clients qui, de leur propre aveu, « n’y connaissent rien ».
« L’idéal est d’amener le consommateur à verbaliser son niveau de connaissance, car outre le risque d’être trop technique, il y a celui d’être trop basique et d’affaiblir le message, souligne le caviste. Face à de vrais néophytes, on devra simplifier au maximum les termes : cépage peut être remplacé par raisin ou variété, tannique par rugueux, rond par charmeur… » Certaines notions peuvent être abordées à l’aide de métaphores. « Pour expliquer l’intérêt d’assembler plusieurs cépages, on peut parler du vin comme d’un organisme vivant, suggère-t-il. Par exemple, dans un assemblage syrah-grenache-cinsault, on peut dire que la première forme le squelette, que le second l’enrobe et que le troisième vient affiner la taille. » Et il aime filer la métaphore pour décrire la sensation du vin en bouche, qui « danse comme un slow ou comme un rock ».
Vous vous êtes régalés dimanche dernier avec une de vos cuvées, sur un bœuf bourguignon ou une paella ? Racontez-le ! « Le vin dégusté n’a pas le même goût s’il est dégusté seul ou en mangeant : il faut l’expliquer au client en lui parlant d’accords mets et vins, incite Cyril Coniglio. Partager sa propre expérience permet de faire appel à des émotions. L’objectif est de faire saliver le client, en l’amenant à imaginer le vin avec un plat, ou dans un contexte de dégustation. »
Et pour les vins ayant un potentiel de garde, « il faut bien expliquer dans quelles conditions le stocker afin d’éviter des déconvenues à l’ouverture de la bouteille ! »
Tout le monde n’aime pas parler de soi, et pourtant… « Les clients adorent connaître l’histoire des vins et de ceux qui les font, assure le caviste. La nouvelle génération s’attache peu aux appellations mais elle aime comprendre le terroir à travers les paroles des vignerons. La création et l’histoire du domaine, sa situation, son environnement, le travail à la vigne, les anecdotes marquantes : c’est tout cela qu’ils retiendront et qu’ils raconteront au moment d’ouvrir la bouteille. »
Les termes couramment employés par les professionnels du vin ont parfois un sens différent dans l’oreille du consommateur. « Beaucoup disent “sec” en pensant “acide”, confondent “minéral” et “sec”, ou encore associent “fruité” à “sucré”, observe Cyril Coniglio. Dans ce dernier cas, mieux vaut leur demander de citer un vin “fruité” qu’ils aiment : s’ils citent un Coteaux du Layon, on comprend qu’en fait, ils veulent un moelleux. »
« Arrêtons de décrire des arômes à des gens qui ne les sentiront pas, conseille Cyril Coniglio. Cela crée de la frustration et de la démotivation. Inutile aussi de décrire précisément la couleur et le nez du vin car ils vont de toute façon évoluer. Sur vos contre-étiquettes, allez droit au but ! Ce qui intéresse le néophyte, c’est ce qu’il va faire de sa bouteille : quand et comment la boire, combien de temps la conserver. Attention à ne pas être trop réducteur dans les accompagnements proposés. Le végétarien et l’amateur de coquillettes-jambon ont aussi le droit d’apprécier le vin ! »