usqu’au 31 août prochain, le ministère de l’Agriculture lance une consultation publique sur la place des femmes dans l’agriculture. Accessible sur la plateforme Agora, elle vise à identifier les freins persistants à l’installation, à l’exercice du métier et à la reconnaissance des agricultrices. Pour les femmes de la filière viticole, la question est loin d’être théorique. Notamment lorsqu’il s’agit de formation, de matériel ou de statut.
« Les femmes sont une force pour notre souveraineté alimentaire et un véritable atout pour le renouvellement des générations : à nous de leur donner la place qu’elles méritent.», affirme Annie Genevard, la ministre de l'Agriculture. Pourtant, leur part dans les actifs agricoles stagne autour de 30 % depuis vingt ans. Et derrière ce chiffre, se cachent des inégalités tenaces, y compris dans le secteur viticole.
Une féminisation visible, mais une reconnaissance en demi-teinte
Dans la filière viticole, 31 % des exploitants ou co-exploitants sont des femmes, selon l’Agreste. C’est légèrement au-dessus de la moyenne tous secteurs agricoles confondus (26,5 % d'après les chiffres MSA 2023). Elles occupent également des postes de salariées, de conjointes collaboratrices ou d’aides familiales, sans toujours bénéficier d’un statut juridique reconnu.
Beaucoup de femmes en viticulture travaillent sans statut officiel : conjointes collaboratrices non déclarées, aides familiales invisibles. Sans reconnaissance juridique, elles ne bénéficient ni d’autonomie économique, ni de protection sociale, ni de droits à la retraite.
Chez les salariées agricoles, 83,5 % sont en CDD, souvent sous contrats saisonniers. Cette précarité limite l’accès à la formation, aux responsabilités et au pouvoir de négociation. Les inégalités persistent aussi à la retraite : les femmes y perçoivent 17 % de moins que les hommes, tant parmi les salariées que les non-salariées agricoles (chiffres MSA 2023).
Le machinisme, angle mort de l’égalité
C’est l’un des points noirs les plus persistants : l’accès au machinisme reste limité pour les femmes. Conduite de tracteurs, manipulation des outils, entretien des machines… Dans bien des exploitations, ces tâches mécaniques restent l’apanage des hommes.
Plusieurs raisons l'expliquent : une exclusion historique des formations techniques, un matériel peu adapté aux morphologies féminines, et un manque d’accompagnement ciblé. Résultat : les femmes sont moins formées, moins à l’aise sur les machines, et donc plus exposées aux accidents lorsqu’elles les utilisent. La MSA alerte régulièrement sur ces risques, en particulier chez les non-salariées agricoles, souvent peu encadrées : 60 % des femmes dans l’agriculture souffrent de Troubles Musculo Squelettiques (TMS), soit deux fois plus que les hommes, en raison de différences physiologiques, du manque de formation en la matière et du manque d’adaptation des tâches. Peut-être une piste de réflexion pour les constructeurs ...
Libération de la parole autour des VSS
Le sexisme tue, le sexisme fait taire, le sexisme brise des carrières. A l’image de l'association Paye Ton Pinard (et sa page instagram), de nombreuses femmes évoluant dans le milieu du vin se lèvent et prennent la parole pour dénoncer et un jour faire taire les violences sexistes et sexuelles (VSS). Trop d’histoires courent encore les caves et les rangs de vigne, éloignant les femmes de postes et de responsabilités dans lesquelles elles pourraient s’épanouir et faire avancer la filière.
Restent encore les freins invisibles
L’installation reste un cap difficile à franchir pour de nombreuses femmes. Accès au crédit, acquisition du foncier, reprise d’exploitation familiale : les barrières économiques, mais aussi socioculturelles peuvent être nombreuses. Les freins sont d’autant plus marqués que les femmes restent peu représentées dans les instances professionnelles… autant de lieux de pouvoir où leur voix peine encore à se faire entendre.
La bonne nouvelle, c’est que les choses évoluent. Des femmes pour les femmes. Des collectifs féminins dans la viticulture, à l’image de Vinifilles, Vox Demeter ou encore Vini-F, militent pour plus de reconnaissance technique, plus de représentation, plus d’égalité.
La consultation lancée par le ministère est une occasion à ne pas manquer. Viticultrices, viticulteurs, votre témoignage compte. L’égalité dans les vignes ne se décrète pas, ne se fantasme pas : elle se construit.