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90 000 € de redressement MSA la vendange par un prestataire, "arrêtons d’emmerder les employeurs !"
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Pour prêt illicite de main d’œuvre
90 000 € de redressement MSA la vendange par un prestataire, "arrêtons d’emmerder les employeurs !"

Le vigneron sous-traite, l’administration surtaxe. Une lecture jusqu’au-boutiste du code du travail pousse les services du Vaucluse à épingler sévèrement les domaines viticoles ayant recours à la prestation de service pour leurs vendanges. Une situation incompréhensible et mal vécue pour les vignerons contrôlés qui ne savent pas comment s’en sortir pour régler la facture et récolter le prochain millésime. Le ministère du Travail rejette l’idée d’un moratoire en revenant aux principes réglementaires, tout en reconnaissant la bonne foi des situations sanctionnées.
Par Alexandre Abellan Le 04 juillet 2025
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90 000 € de redressement MSA la vendange par un prestataire,
Les difficultés à former des équipes stables de saisonniers présents poussent les vignerons à opter pour la prestation de services. - crédit photo : Adobe Stock (Picture News)
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uand une application au pied de la lettre de la réglementation peut avoir de grosses conséquences… « J’ai la conscience tranquille » pose le vigneron André Mathieu, à la tête du domaine éponyme (12 hectares de vignes en AOC Châteauneuf-du-Pape et 5 ha en AOC Côtes-du-Rhône). Mais même avec la sérénité du juste, il n’en est pas moins affecté et inquiété par les conséquences d’un contrôle de l’Inspection du Travail lors de ses vendanges manuelles en 2023. Pour avoir eu recours pendant 10 jours à un prestataire de services pour bénéficier d'une équipe de 15 vendangeurs, l’administration estime que son domaine a eu recours à un prêt de main d’œuvre illicite avec le facteur aggravant de la présence d’un membre du domaine lors du contrôle. « Il faut bien ramener les raisins à la cave : on ne peut pas les téléporter » soupire André Mathieu, qui ne comprend décidément pas l’approche de l’administration sur ce dossier.

Je ferme boutique s’ils me plantent de 90 000 €

Car dans le Vaucluse depuis quelques années, la Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) considère que le recours à des prestataires de service pour les vendanges est illicite. La cueillette des raisins n’étant selon elle pas assez technique pour justifier la prestation selon sa lecture du code du travail. « Je ne comprends pas cette interprétation » réagit André Mathieu, pour qui « il faut un personnel qualifié pour trier, c’est une obligation de notre cahier des charges. L’avantage des prestataires est d’avoir des gens qui sachent faire et sont formés. » Cette interprétation a un impact concret : il est demandé en compensation au domaine André Mathieu le paiement d’un trimestre complet de charges sociales pour l’ensemble de l’équipe : soit 90 000 € dus à la Mutualisé Sociale Agricole (MSA). Alors que son coût de vendanges avoisine les 23 000 € de salaires, la possibilité d’une telle amende est oppressante pour le vigneron : « même si à Châteauneuf-du-Pape, on s’en sort bien, je ferme boutique s’ils me plantent de 90 000 € dans le contexte actuel » (déconsommation, inflation, instabilités géopolitiques…).

À 60 ans, André Mathieu n’a pas fait appel à la prestation de services par facilité, mais pour s’assurer que ses raisins seraient bien vendangés au moment idéal. Ne trouvant plus de personnel en nombre suffisant et assez fiable, il a dû passer à la prestation de services qui lui est revenue 20 % plus cher, mais lui permet d’éviter l’impasse au moment clé de la récolte : « ça devient impossible de recruter des vendangeurs. Les saisonniers ne sont plus là (les étudiants rentrent en septembre et plus octobre) ou plus fiables (au bout de 3 jours on n’a plus personne) et il n’y a pas assez de boîtes d’intérim (pour répondre à la demande). »

« En plus de ne pas être fondée en droit la position de la MSA est totalement déconnectée de la réalité du terrain et des difficultés économiques très sérieuses auxquelles sont confrontées les vignerons » réagit maître Matthieu Chirez, la défense du vigneron châteaunevois. Alors que le prestataire de services employé était à jour de ses cotisations et déclarations (avec une attestation de vigilance), « le domaine a respecté l’ensemble des obligations légales et réglementaires auxquelles il était tenu et nous comptons bien rétablir cette situation qui est inacceptable » ajoute l’avocat parisien, qui peut s’appuyer sur le soutien du syndicat AOC.

Nous attendons des réponses adaptées

« La prestation de services n’est pas un choix de confort, mais une nécessité face au manque de main-d’œuvre disponible et fiable » indique Laure Berthet Rayne, la présidente du syndicat des vignerons de Châteauneuf-du-Pape. La vigneronne pointant que « depuis des années, nous travaillons à encadrer et sécuriser cette pratique, avec un contrat-type, une fiche réglementaire et des propositions concrètes comme la création d’une plateforme en lien avec la MSA. Nous réaffirmons notre engagement à favoriser l’emploi direct, mais nous attendons des réponses adaptées à nos besoins réels : sans main-d’œuvre suffisante, nos exploitations ne peuvent pas tenir. »

Question de principes

En première ligne pour les redressements, la caisse centrale de la MSA « confirme que le sujet est en effet bien identifié et que nous sommes actuellement en contact avec nos interlocuteurs institutionnels ». Explosif, le sujet est évacué par la préfecture du Vaucluse qui indique ne pas pouvoir répondre localement à un sujet national. Contacté, le ministère du travail (soit le cabinet ministériel et les administrations en charge) précise en détail sa position, qui n’est pas pour rassurer. Reconnaissant qu’« il y a par définition un pic d’activité dans les activités saisonnières ; dans le cas des vendanges, cette activité est globalement en ligne avec l’activité principale du vigneron », le ministère en revient aux fondamentaux : « l’esprit du code du travail français est de garantir les droits des travailleurs, en particulier en matière de santé et de sécurité au travail, par un ensemble d’obligations auxquelles est soumis l’employeur, mais également, dans le cadre d’une prestation de service, son cocontractant bénéficiaire de cette prestation, via en particulier son devoir de vigilance. »

Si le ministère confirme que « les exploitations agricoles peuvent tout à fait recourir à de la prestation de services, par laquelle une entreprise va assurer directement avec son personnel une tâche pour le compte de l’exploitant moyennant rétribution », il souligne que « pour ne pas être confondu avec du prêt illicite de main-d’œuvre, cette prestation de service doit respecter plusieurs critères » (voir encadré). Si les services ministériels affirment avoir « bien conscience de la nécessité de sécuriser au mieux les exploitant agricoles qui sont de bonne foi (des outils de communication à destination des différentes parties prenantes permettront de rappeler et de clarifier ce cadre juridique) », ils affirment l’impossibilité d’une suspension de cette lecture administrative.

Moratoire pas envisageable

« Un moratoire sur des contrôles de la bonne application du droit du travail n’est pas envisageable » pour l’exécutif, « parce que l’Inspection du Travail est indépendante et parce qu’il signifierait que l’application du droit du travail peut être suspendue ou est optionnelle ; les droits des travailleurs, en particulier ceux liés à leur santé et sécurité, doivent être respectés en tout temps. » Si un moratoire n’est même pas envisageable, « le ministère rappelle qu’il existe en l’état du droit d’autres modalités de renforcement de leur main d’œuvre pour les exploitants agricoles, dont les vignerons : le contrat saisonnier et l’intérim. Ces derniers s’inscrivent parfaitement dans le droit du travail et le pic d’activités liées aux activités saisonnières, dont les récoltes. »

Incompréhension vigneronne

Une fin de non-recevoir sur un air de non-sens pour Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants, qui se mobilise face à une pure construction de pensée zélée. « Le texte de loi actuel laisse place à l’interprétation. Il peut y avoir une forme de sincérité du contrôleur, mais on ne peut pas laisser des domaines être sanctionnés quand toutes les règles du travail et des cotisations sont respectées (déclarations à la MSA, charges sociales, contrats de travail…) » plaide Jean-Marie Fabre. Le vigneron de Fitou (Aude) note que d’autres domaines dans le Vaucluse font face à des redressements MSA de l’ordre de 100 000 € : « on fait disjoncter des gens qui sont en conformité avec loi. Arrêtons d’emmerder les employeurs ! » D’autant plus que les valeurs de simplification des charges administratives et d’encouragement de l’emploi font partie des rares thématiques consensuelles actuellement.

Estimant que la rédaction actuelle du code du travail amène de l’interprétation de l’Inspection du Travail, Jean-Marie Fabre appelle à préciser d’urgence le cadre légal de la prestation de service agricole pour sortir les domaines viticoles de l’insécurité juridique où ils se trouvent pris bien malgré eux. Une remise à plat permettrait de tenir compte des réalités de la viticulture : « notre métier a besoin de saisonniers et de travailleurs occasionnels pour la taille, le tirage des bois, l’épamprage, la vendange en vert, la récolte… Mais il est de plus en plus dur de recruter sur des tâches demandant de la réactivité mais étant de plus en plus étalées dans le temps » rapporte le président des Vignerons Indépendants, qui rapporte un constat partagé « les agences d’intérim et France Travail n’arrivent pas à trouver un public cible. Ceux qu’ils trouvent ne sont généralement pas présents jusqu’au bout. Cela met en péril le travail de l’année ! L’une des solutions utilisées est l’appel à des entreprises prestataires de services. Il faut faire évoluer le cadre du travail comme le métier a évolué. »

La filière vin ne peut pas être ainsi ciblée alors qu’elle est en conformité

À l’approche des vendanges, il y a urgence à garantir la conformité réglementaire des employeurs de bonne foi ajoute Jean-Marie Fabre : « il ne faut pas de passe-droit sur le respect de la loi, mais il faut régler cette lecture tatillonne et que ça ne fasse pas tache d’huile. La filière vin, leader de l’emploi agricole, ne peut pas être ainsi ciblée alors qu’elle est en conformité. » Et qu’après un redressement MSA, un volet judiciaire peut suivre pour travail illicite et dissimulé… De quoi ajouter à la pression. Notamment en cas d’emploi simultané de personnels du domaine et de prestataires de service pour la récolte : « on ne peut pas compléter son équipe avec de la prestation de services » pointe Joël Choveton, le président de la Fédération des caves coopératives viticoles de Vaucluse, qui fait été de « règles très strictes aujourd’hui, que l’on n’arrive pas à comprendre. Ils estiment qu’il est facile de trouver du monde et qu’il ne faut pas de qualité particulière pour faire les vendanges. C’est parce qu’ils n’ont jamais essayé d’embaucher ou de récolter. On ne trouve personne, ou pas sur la durée des vendanges. Si on casse un sarment à la récolte, les effets sur la taille sont importants. Mais on a du mal à faire entendre raison. Et il faut être strict sur le contrôle des prestataires, que les salariés soient bien déclarés, rémunérés, logés… Alors que l’on n’est pas qualifiés pour et que l’on n’a pas les ressources. »

Quand une application au pied de la lettre de la réglementation peut avoir de grosses conséquences…

Les critères à respecter pour être dans les clous pour le ministère :

« Le prestataire doit être le véritable employeur du personnel utilisé, qu'il rémunère, encadre et dirige dans l'accomplissement de sa tâche et qui demeure soumis à sa seule autorité. Le respect de ce critère est essentiel ;

Le contrat doit avoir pour objet une tâche définie que le bénéficiaire de la prestation ne veut ou ne peut pas accomplir lui-même avec son personnel, pour des raisons d'opportunité économique ou de spécificité technique ;

 La rémunération de cette prestation doit être fixée au départ de manière forfaitaire en fonction de l'importance objective de la prestation à réaliser, sans tenir compte du nombre de salariés utilisés et du nombre d'heures effectuées ;

 Les moyens matériels nécessaires à l'exécution de la prestation doivent être fournis par le prestataire à ses salariés. Il est toutefois admis, dans certains cas, la possibilité pour le personnel du prestataire d'utiliser le matériel de l'entreprise bénéficiaire ;

Le prestataire doit agir en toute indépendance en conservant l'initiative des décisions dans l'exécution de sa prestation et assurant le risque de l’opération.

Le non-respect de plusieurs de ces critères entraine un risque de requalification par un juge du contrat de prestation de service en prêt illicite de main d’œuvre, avec le risque de sanctions pénales.

Ces sanctions participent à la lutte contre le travail illégal qui constitue un triple préjudice : aux salariés dont les droits ne sont pas respectés, aux entreprises qui respectent la loi et sont victimes d’une concurrence déloyale, ainsi qu’à la collectivité qui est privée des cotisations sociales et des impôts qui lui sont dus. Au regard de son caractère fraudogène et accidentogène, le secteur agricole est par ailleurs un secteur prioritaire de contrôle. »

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Stratos Le 01 août 2025 à 10:27:43
Il suffit de changer la réglementation. Nous avons tous des politiques deputes, sénateurs. Écrivons leur qu'on change la loi. Ça suffit de se faire emmerder par des fonctionnaires. Faisons appel a des juristes ou encore plus simple demandons a l'intelligence artificielle de nous concocter une modification du texte de loi. Soumettons le a des juristes competents. Adressons le texte a nos élus. En plus i ca ne suffit pas mettons en place une.petition. Bougeons nous et arrêtons de pleurnicher.
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bill et boule Le 07 juillet 2025 à 08:16:12
Et c est sans compter avec les appels à solidarité auxquels la msa n hésite pas à avoir recours en cas de lj d un prestataire. On la résume : des viticulteurs ont recours à un prestataire de services viticoles .Par la suite ledit prestataire pour une raison ou pour une autre se retrouve en CP puis en lj.La Msa , pour ne pas perdre de temps épluche alors les livres du prestataire, finit par trouver dans les contrats de prestation de service une brèche t s y engouffré. Les propriétés viticoles clientes se retrouvent ciblees par un " appel à solidarite" lui permettant de recouvrer les cotisations manquantes idéalement chez les propriétés viticoles clientes et ce au pro rata bien sûr de l importance des travaux sous traités. Il faut donc signer ce type de contrat avec beaucoup de précaution car le retour de bâton est violent et les magistrats peu enclins à donner tort à la msa . Le redressement en question est chiffre souvent en dizaine de milliers d euros et il est exigible sans echeancier possible .Attention donc !
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Albert Le 04 juillet 2025 à 20:39:00
À la lecture de l'article, un point pourrait me semble-t-il être clarifié > le problème ne porterait-il pas sur la précision de la facturation de ladite prestation ? .. si la MSA est vent debout, je me dis que peut-être il doit bien y avoir une (petite) raison (clarté de définition de l'assiette de calcul des cotisations), non ? ..
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Olivier Metzinger Le 04 juillet 2025 à 10:45:56
Quand nous n'avons pas le temps de réaliser un tâche en temps et en heure, le recours à de la prestation de service ou de la sous traitance est une évidence économique. Dire que lutter contre cela est une lutte contre le travail illégal est un non sens. Les personnes employées par un prestataire ou un sous traitant étant déclarées et rémunérées, les charges sociales payées, il n'y a aucune fraude. Par contre il est très confortable pour un contrôleur de venir faire du zèle dans une lecture rigoriste du Code du travail. Un chef médecin de la MSA me disait un jour, nous avons tous nos ayatollahs... Il ne pensais sûrement pas si bien dire. Ces même inspecteurs, ne vont pas contrôler toutes les activités 100% illégales, qui ne paient aucune cotisations, car beaucoup trop dangereux pour eux. Bref ils tiennent une pelote rentable, en tapant sur la tête de gens tellement honnête qu'ils ne se rebelleront pas. Attention quand même à la goutte de trop.
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Max le caviste Le 03 juillet 2025 à 22:30:15
On est vraiment chez les fous ?on marche sur la tête ?
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